ainsi « épurée, » débarrassée « de l’entrave et des limitations des dogmes, » trouvera, paraît-il, sa pleine satisfaction dans un certain évolutionnisme idéaliste que M. Payot substitue au vieux spiritualisme ; quant au devoir, ils « s’en enchanteront » comme d’une « haute probabilité » et se mettront en mesure de l’enseigner aux écoliers en leur disant qu’il faut « opter entre l’animalité et la nature humaine. » Nous voilà bien loin, singulièrement loin, des antiques conceptions spiritualistes auxquelles le Conseil supérieur avait fait une place dans les programmes ; ces programmes subsistent, mais à l’état de lettre morte ; et la philosophie de M. Jules Payot, qui les applique, doit assurément agréer assez peu aux métaphysiciens qui jadis les élaborèrent.
Mais, tandis que les philosophes entre-choquent leurs systèmes, et tandis que les inspecteurs entre-heurtent leurs circulaires, la France vit et la France doit vivre ; et, sous la prise tâtonnante de ces systèmes et de ces circulaires, l’enfance française attend la morale promise. Il est temps de se rappeler enfin que c’est l’âme du pays qui est en jeu. Statisticiens et sociologues regardent et s’inquiètent, dressent le tableau de la criminalité enfantine, font le lugubre total des suicides d’enfans, et cherchent le remède. On se souvient du retentissant article qu’écrivit ici même M. Alfred Fouillée[1]. Tantôt par profession, tantôt par dévouement, un certain nombre d’observateurs ont acquis une connaissance spéciale de la jeunesse coupable ou délaissée : ils s’appellent M. Adolphe Guillot, M. Rollet, M. Georges Bonjean, Mlle Bogelot ; leur avis est unanime ; ils estiment tous que la mission morale et sociale de l’éducateur rencontre dans l’idée religieuse un concours dont il est imprudent de se priver. « Là où, par suite de dissentimens quelconques ou de malentendus, les passions excitent les familles et les enfans contre le respect du sentiment religieux, elles font œuvre antisociale ; » le mot vient d’être dit par M. Levasseur, dans son long rapport sur l’Enseignement primaire dans les pays civilisés.
Et voici que peu à peu, chez les pédagogues à qui il ne suffit point d’être des hommes de parti, un doute s’insurge : ce doute les torture, les paralyse. Vainement essayent-ils de se rassurer, comme le fait en public M. Ferdinand Buisson, en constatant que les progrès de la criminalité enfantine sont un fait général et
- ↑ Voir la Revue du 15 janvier 1897.