Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 151.djvu/892

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

adressés aux préfets par les inspecteurs d’Académie en 1898 : il paraîtrait que, dans le Lot-et-Garonne, l’Ain, les Basses-Pyrénées, le Cantal, la Corse, la Haute-Loire, l’Ille-et-Vilaine, le Doubs, l’instruction morale laisse moins à désirer. Dans quelle mesure ces appréciations sont-elles inspirées par un optimisme de commande ? C’est ce qu’il est assez difficile de discerner. M. Devinat, directeur de l’École normale d’instituteurs de la Seine, affirmait récemment, dans le journal l’École nouvelle, que » l’enseignement moral a trouvé sa forme et donné son profit dans la grande majorité des écoles de France ; » mais il avouait, à l’encontre, que beaucoup d’inspecteurs et d’instituteurs ne partagent point cette opinion. Il y aurait dans notre personnel scolaire, au dire de M. Devinat, deux grandes catégories de découragés : les uns racontent, en un assez piquant langage, que « la leçon de morale est bâillée par celui qui la donne et par ceux qui la reçoivent, » et les autres soutiennent qu’ « elle fait plus de mal que de bien. » On continue pourtant, avec un zèle digne d’un plus prompt succès, à esquisser des règles de tactique pour la conquête morale de l’enfance française : et la variété même de ces règles, proposées de toutes parts aux instituteurs, est plutôt décourageante. M. l’inspecteur général Evellin voudrait qu’ils fissent appel à l’émotion esthétique ; M. l’inspecteur d’Académie de l’Eure énumère les sentimens qu’il faut cultiver dans l’âme de l’enfant : aspiration vers le bien, attachement à ses intérêts, désir de jouissances, capacité de dévouement, et ne redoute pas de citer La Fontaine parmi les auteurs qu’il faut faire lire pour aider à cette culture ; inversement, les inspecteurs de Pau et de Marseille déplorent « les tendances à justifier l’accomplissement du devoir par toutes sortes de raisons qui ne sont que des maximes égoïstes ; » quant à leur collègue de la Charente-Inférieure, il explique que le devoir se justifie lui-même et n’a nul besoin d’être fondé sur des croyances métaphysiques. Avec un gros livre intitulé : Avant d’entrer dans la vie : aux instituteurs et institutrices, conseils et directions pratiques, M. Jules Payot, inspecteur d’Académie dans La Marne, intervient à son tour ; et il propose à nos maîtres d’école tout un programme d’enseignement et tout un programme de vie. À l’avènement de leur jeunesse, il souhaite et salue la « crise religieuse », qui les détache des religions confessionnelles et les exalte vers la « religion vraiment universelle, acceptable pour tous les esprits pensans ; » leur foi,