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il étudia les moyens de « faire rentrer la religion dans l’école sans remettre l’école sous la tyrannie d’une église particulière, » de « laïciser » la religion, comme il disait ; et volontiers il eût accepté la récitation du Pater à l’école. Ces concessions à l’idée religieuse furent vivement discutées. « La récitation du Pater, écrivait un instituteur-adjoint, serait un pas en arrière ; il faut exhorter les enfans à se recueillir dans le secret de la conscience. » — « Pour belles que soient ces conceptions, objectait un autre, elles n’en sont pas moins des hypothèses, non des certitudes. » Une dame du personnel enseignant constatait avec raison que la solution de M. Sabatier n’était autre que le protestantisme ; un autre correspondant, faisant écho, reprochait à ce religieux professeur d’introduire une nouvelle théologie et demandait, avec un effroi légitime, si elle se montrerait plus discrète que l’ancienne. Il y eut de tout dans cette consultation : des effusions de religiosité et des protestations d’anticléricalisme, des équivoques volontaires et des élans vers la claire lumière, un épanchement d’idées généreuses et une multiplicité de craintes mesquines ; et tout cela se croisait, se heurtait, se contredisait. Au terme de cette joute épistolaire, l’école n’avait pas encore trouvé son « âme. » Et, comme la politique est plus accessible et plus palpable que la morale, comme il est plus facile de se composer des attitudes que d’élaborer une philosophie, il est permis de croire que beaucoup d’instituteurs — « fermes républicains, » comme on disait à cette époque, — se contentèrent d’emprunter à l’un de leurs collègues de la Corrèze leurs impressions d’ensemble et leurs résolutions finales. « On a vu, écrivait-il, des gens fort peu républicains demander à entrer dans la République, nous savons bien pourquoi ; de même on en voit qui n’ont jamais eu de tendresse pour l’esprit laïque et qui, tout à coup, demandent à rendre l’école laïque plus religieuse ou la religion plus laïque. Veillons, mes amis ; voilà tout ce que j’en veux dire, veillons ! » Cette vigilance devait avoir sans doute pour effet de garantir la République contre « l’esprit nouveau, » que proclamait à cette date, avec un courage sincère, un ministre de l’Instruction publique, M. Eugène Spuller.

Ce n’est pas sans orgueil, néanmoins, que notre presse scolaire rappelle ce confus débat ; et volontiers elle rattache au mouvement d’idées qu’il provoqua parmi les instituteurs les progrès signalés en ces dernières années dans l’enseignement de la morale. Nous avons eu sous les yeux un certain nombre de rapports