disait l’inspecteur primaire d’Angoulême, l’enseignement moral est presque nul. » Et, de Lons-le-Saunier, l’écho répondait : « Les leçons sont généralement de pâles contrefaçons des prônes du curé : c’est ou grotesque, déclamatoire et creux, ou banal, vague et embarrassé. »
Le rapport de M. Lichtenberger était emprunté à des documens d’origine semi-officielle, rédigés, en général, soit par les inspecteurs primaires, soit à leur instigation : c’était, à proprement parler, la hiérarchie elle-même qui confiait à l’enquêteur, non sans les atténuer par motif de convenance politique, les incertitudes et les désappointemens des instituteurs. Peu de temps après, en 1893, dans la Correspondance générale de l’enseignement primaire, un grand débat s’ouvrit sous le titre : L’Ame de l’école, et, de toutes parts, les avis furent requis. « Que mettrons-nous, dans l’enseignement public, à la place de la religion ? » C’est en ces termes que M. Jacques Bonzon formulait la question : on avouait ainsi, implicitement, que la théorie des devoirs envers Dieu pouvait encore, peut-être, figurer dans cet enseignement à titre de détail, mais qu’elle n’y jouerait aucun rôle inspirateur et y demeurerait sans portée. Au problème ainsi posé les réponses furent infiniment diverses.
« La religion de l’école, écrivait un instituteur, c’est celle de l’honneur et du devoir. » Un inspecteur primaire intervenait et préférait que ce fût « l’amour ou le respect de la famille. » Une directrice d’enseignement proposait « la religion de l’humanité, fondée sur la croyance en l’Être suprême et à l’immortalité de l’âme ; » une autre voulait que la « conviction de la valeur de l’être humain » imprégnât l’enseignement primaire tout entier. « L’âme qu’il faut à l’école, écrivaient un professeur de la Haute-Vienne et un instituteur de la Corrèze, c’est un maître convaincu de la grandeur de sa tâche… » Un correspondant recommandait le culte du vrai, du beau et du bien ; un autre le patriotisme ; un troisième réclamait « la religion indépendante, dominant les religions révélées, » et abritait ce rêve derrière les désirs de M. Jules Ferry ; et, tandis que M. Léon Bourgeois croyait peut-être trancher la question en se prononçant pour » la religion de l’amour de l’humanité, » M. Steeg se hasardait à parler « du Dieu caché au fond des Ames et qui se révèle par la loi morale. » M. Auguste Sabatier, surtout, tint des propos que beaucoup de lecteurs jugèrent alarmans : professeur à la Faculté de théologie protestante de Paris,