que toute morale est inéluctablement liée à la foi en Dieu et à l’immortalité de l’âme, lorsque peut-être leur père ne croit ni à l’une ni à l’autre ? L’école neutre, c’est l’école sans Dieu, c’est-à-dire expectante en matière religieuse. Elle n’a pas à nier Dieu, mais elle ne l’affirme pas non plus ; c’est le vrai moyen de respecter la conscience de tous. Nous n’en sommes point encore là, mais cela viendra peut-être un jour, lorsque l’on comprendra la liberté. »
La séparation complète de l’école et de Dieu : tel était le programme final. Entre ces deux puissances, le Conseil supérieur avait vainement essayé de négocier un concordat : des voix se levaient, dans l’enseignement primaire, pour en demander la dénonciation et pour réclamer l’émancipation de l’instituteur à l’endroit de la métaphysique comme à l’endroit de la religion.
Cependant, dans trente-six mille communes, une question se posait. L’État français avait caressé l’immense ambition de faire enseigner une morale, — et la même apparemment, — dans toutes les écoles du territoire ; et, de cette morale, rien n’était défini, sinon qu’elle devait se distinguer du catéchisme, d’après les philosophes, ou même s’y opposer, d’après les hommes d’État.
Les discours-manifestes par lesquels M. Paul Bert avait inauguré ces réformes ne contenaient rien de positif, rien qui pût orienter l’enseignement nouveau ; il faisait plutôt l’effet d’un avocat général requérant contre la casuistique que d’un ministre de l’Instruction publique investi d’une responsabilité nationale ; il semblait escompter que, sur les ruines de la « morale des Jésuites, » une nouvelle morale s’édifierait d’elle-même ; et, quant à lui, il faisait acte de démolisseur, non de constructeur. Son œuvre de démolition, par surcroit, était systématique jusqu’à l’arbitraire. Il est, par exemple, une doctrine théologique d’après laquelle, en cas d’extrême nécessité, « les biens de la terre sont communs à tous quant à l’usage ; » lorsqu’il y a quelques mois elle reparut, traduite en une autre langue, sur les lèvres d’un magistrat de Château-Thierry, elle fit l’impression d’une courageuse nouveauté et provoqua l’enthousiaste adhésion des partis qui aiment à se qualifier d’avancés ; M. Paul Bert, au Cirque d’hiver, en 1880, devant un auditoire d’amis de l’enseignement laïque, empruntant