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britannique l’institution d’un Parlement, — ce qui lui fut accordé en 1832, — et l’éviction des Français, dont les droits gênaient ses intérêts. L’Angleterre se trouva alors dans un cruel embarras. Désireuse de respecter les traités qui la liaient à la France, elle ne voulait pas cependant mécontenter sa colonie. Dans l’espoir que ses juristes trouveraient un biais qui pût concilier les deux choses, elle se décida en 1835 à consulter les jurisconsultes de la Couronne. Mais l’avis de ces derniers ne fut point ce qu’elle avait espéré. « Après avoir pris connaissance des traités, dirent MM. Dodson, Campbell et Rolfe, nous pensons que les sujets français ont le droit exclusif de pécher sur la partie de la côte de Terre-Neuve, spécifiée dans le cinquième article du traité définitif, signé à Versailles, le 3 septembre 1783. » Les ministres, plus gênés qu’aidés par l’avis des jurisconsultes, les invitèrent, par un délicieux euphémisme, à procéder à un nouvel examen plus approfondi de la question.

En 1837, tout en se montrant moins affirmatifs dans la forme, les mêmes conseillers de la Couronne furent au fond tout aussi formels en faveur de la France : ils reconnurent que les Français avaient un droit de pêche tel que personne ne pouvait le partager avec eux du moment qu’ils en pouvaient être gênés ; le fonds de pèche était constitué de telle sorte par la nature qu’il était impossible d’y exercer la pêche commune. « Si, déclaraient-ils, il existait réellement assez de place dans les limites du district en question pour que les pêcheurs des deux nations pussent y pêcher sans que des collisions dussent en résulter, nous ne pensons pas que la Grande-Bretagne serait astreinte à empêcher ses sujets d’y pêcher. Quoi qu’il en soit, il paraît résulter du rapport de l’amiral sir P. Halkett que c’est à peine praticable ; et nous sommes d’avis que, conformément à la véritable nature du traité et de la déclaration, il est interdit aux sujets britanniques de pêcher, s’ils causent quelque embarras à la pêche française. »

On en était ainsi toujours au même point. En 1854, la colonie terre-neuvienne obtint le self-government et bientôt, en 1857, puis en 1884 et en 1885, des traités furent signés entre la France et l’Angleterre à l’occasion de Terre-Neuve. Que stipulaient ces traités ?

Le traité du 14 janvier 1857 était des plus formels. Il divisait les côtes de Terre-Neuve en trois tranches : 1o  depuis le cap Saint-Jean jusqu’aux îles Quirpon, depuis les îles Quirpon jusqu’au