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sa politique subissant l’exemple et l’entraînement de la coterie où il vit, se porte plutôt vers le système et le parti qui l’avaient emporté sous la régence de Marie de Médicis, c’est-à-dire le parti catholique et espagnol. Il était dans ces vues lorsqu’il prononçait son discours, aux États de 1614. Pendant son court ministère, si les « Instructions à Schomberg » marquent une certaine tendance à chercher un point d’appui du côté des protestans d’Allemagne et à reprendre la tradition du roi Henri, les engagemens du maréchal d’Ancre, ceux de Marie de Médicis et sa propre situation épiscopale l’arrêtent et l’attachent à un parti auquel il n’a pas dit franchement adieu et qui croit encore pouvoir compter sur lui. Mais, sitôt qu’il reparaîtra sur la scène politique, la transformation sera complète. Dès 1622, il conseillera franchement au Roi de marier Madame en Angleterre, de secourir Mansfeld, en un, mot d’appuyer, dans le grand duel qui divise l’Europe, le parti opposé à l’Espagne et dégagé de tout lien politique avec Rome.

À quel moment cette évolution s’est-elle faite dans son esprit ? Il est difficile de préciser ; mais on en trouve des indices certains pendant ce séjour à Avignon, et parmi ces études profondes auxquelles, d’après ses historiens, il eut tout le loisir de se consacrer.

On a dit qu’il s’était adonné, alors, à la lecture des Négociations du président Jeannin. Elles n’avaient pas encore été publiées. Il les lisait donc en manuscrit. C’était une moelle succulente que cette lecture, et elle suffirait à expliquer le retour vers la politique traditionnelle de Henri IV. Richelieu lisait aussi les lettres du cardinal d’Ossat, et il y trouvait la même tradition. Un passage du Caput apologeticum est plus précis encore : « De m’accuser, moi et mes compagnons (c’est-à-dire les autres ministres), d’être Espagnols, parce que nous avons ménagé l’intelligence (c’est-à-dire l’entente cordiale existant entre les deux cours), comment le peut-on, sans convaincre ceux qui en ont fait et conseillé l’alliance (il s’agit de Villeroy), qui, aux oppositions des princes contre ce dessein, ont toujours répondu qu’elle était nécessaire au bien de cet État et au repos de nos voisins ? » Il se défend donc d’être Espagnol.

Il a d’autant plus de courage à le faire en ce moment que Rome est son seul appui, — toutes les ambitions du futur cardinal étant, d’ailleurs, tournées vers le Saint-Siège. Non seulement il habite sur terre pontificale, mais le Pape, qui n’a pas oublié qu’il