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C’était bien en Italie et non du côté de l’Orient que l’orage appréhendé allait éclater ! Si l’année 1858 avait expiré dans le calme et la quiétude, l’année nouvelle, à peine commencée, s’annonçait orageuse. La France se sentait soudainement atteinte dans ses affaires, dans son crédit, sans qu’elle pût en saisir la cause réelle. Elle réprouvait la guerre en général, et à plus forte raison une guerre dont les mobiles lui échappaient. Son amour-propre national était largement satisfait par la campagne de Crimée ; elle n’aspirait pas à de nouvelles victoires. Elle était partout écoutée, respectée, cela lui suffisait ; si elle aimait l’Italie, elle n’avait aucun motif sérieux de détester l’Autriche ; elle n’avait qu’un désir, c’est que la question italienne, qu’on semblait agiter de propos délibéré, fût pacifiquement résolue : mais ce n’est pas ainsi qu’on l’entendait au delà des Alpes.

Dès les premiers jours de février, M. de Cavour, son traité en poche, prit l’offensive diplomatique. Il expliqua et justifia les mesures préventives qui s’imposaient au Piémont ; il mit ses agens à même de préciser l’état de la question et de rejeter sur l’Autriche la responsabilité d’un conflit éventuel. C’est ainsi qu’à son exemple, M. de Bismarck devait procéder, en 1866 et en 1870, pour exciter ses adversaires et les forcer à se ruer sur son épée. — En même temps, le gouvernement piémontais soumit aux Chambres un projet d’emprunt de cinquante millions, qui fut voté en quelque sorte sans discussion. Le comte Costa de Beauregard, un des députés les plus distingués de la Savoie, prononça seul des paroles d’opposition. Il se fit l’organe du mécontentement de sa province, laquelle se voyait contrainte à des sacrifices pour la cause italienne qui n’était pas la sienne.

En France parut une brochure significative sous le titre : Napoléon III et l’Italie. Son origine n’était pas douteuse, elle était signalée à l’attention publique par le Moniteur. Le problème italien s’y trouvait exposé dans tous ses détails ; on recommandait l’affranchissement de l’Italie de la domination autrichienne, sur les bases d’une union fédérale, et l’on faisait appel non à la force, mais à l’équité de l’Europe. Au Congrès de Paris, la question italienne avait été posée académiquement ; elle l’était aujourd’hui au milieu d’acrimonieuses controverses diplomatiques et au bruit des arméniens, qui se faisaient ostensiblement des deux côtés des Alpes aussi bien qu’au centre du continent.