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bien qu’à Paris, réclame la paix ; tenez-vous tranquilles. » — Sir James Hudson ne s’écartait pas de la vérité en affirmant que le sentiment public, en France comme en Angleterre, était résolument opposé à la guerre. — « Pour trouver des partisans d’une guerre en Italie, disait M. Pinard, le procureur général près la Cour impériale, dans un de ses rapports secrets à l’Empereur, il faut aller les chercher dans les centres où l’on complote la chute de l’Empire. »


XII. — LE MARIAGE DU PRINCE NAPOLÉON

Bien qu’il eût la parole de l’Empereur et qu’il ne doutât pas de sa loyauté, M. de Cavour tremblait qu’on ne mît tout en jeu, dans l’entourage du souverain, pour gagner du temps et l’empêcher de s’engager irrévocablement. Les adversaires de la cause italienne aux Tuileries pouvaient, à tout le moins, arguer du droit que l’Empereur s’était réservé de décider de l’heure et de l’opportunité d’une rupture avec l’Autriche ; il était stipulé, d’ailleurs, qu’en aucun cas, les hostilités ne seraient ouvertes avant le mois de juin. D’ici là. que d’incidens pouvaient surgir !

Le traité signé le 16 décembre, et qui résumait les pourparlers de Plombières, prévoyait un second traité d’alliance offensive et défensive : celui-ci n’était pas signé ; il importait de l’obtenir sans délai. Le danger devenait pressant ; l’armée autrichienne grossissait d’heure en heure, et le Piémont avait peu de soldats, peu d’argent, et point de crédit. Le général Giulay pouvait, sans presque rencontrer d’obstacles, franchir la frontière, entrer à Turin, lever d’énormes contributions de guerre, saccager le pays et ne laisser derrière lui que des ruines et un gouvernement désemparé. La France, alors, permettrait-elle à l’Empereur de risquer ses destituées ? L’opinion publique ne se soulèverait-elle pas si, malgré son opposition et celle des ministres, elle voyait Napoléon III s’obstiner dans ses résolutions ? D’autre part, un grand coup victorieusement frappé par l’Autriche avait chance d’entraîner toute l’Allemagne, dont l’attitude précisément devenait de jour en jour plus hostile. Fort inquiet, M. de Cavour écrivait au prince Napoléon, au nom du Roi, pour hâter son arrivée à Turin ; il usait de tous ses moyens d’action aux Tuileries et au Palais-Royal (et ils étaient multiples), afin de brusquer le dénouement. Il demandait qu’on avançât la date du mariage ; la célébration en avait été fixée