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j’ai dit à Cavour, dit-il, je puis vous le répéter. Mes sympathies ont toujours été pour l’Italie et sont encore pour elle. Je regrette que la Lombardie soit entre les mains de l’Autriche, mais je ne puis ni ne veux discuter ses droits. Je respecte les traités existans. Tant que l’Autriche restera dans ses frontières, elle sera maîtresse, cela va sans dire, de faire ce qui lui plaît. Quanta la Sardaigne, si elle provoquait les hostilités injustement et si elle se mettait dans son tort, elle n’aurait à attendre aucun secours de notre part. » Le général La Marmora, un galant homme, répondait un jour à un vieux diplomate qui se plaignait de n’avoir pas tout su : — « Je dis toujours la vérité, mais je ne suis pas assez naïf pour dire toute la vérité. » — Ce que l’Empereur disait à lord Cowley était la vérité, mais pas toute la vérité. Ce n’était pas à ces simples déclarations que se bornaient les pourparlers de Plombières.

L’ambassadeur, quelques jours après, revint à la charge avec son flegme et sa ténacité britanniques. L’Empereur impatienté lui répondit : — « Voyez la différence entre l’Angleterre et la Russie. Vous me rendez responsable de la guerre, vous me calomniez et me maltraitez, tandis que la Russie, qui veut la paix autant que vous, me dit : Si vous êtes contraint de prendre les armes, je vous aiderai, en plaçant des armées sur mes frontières, qui tiendront la Prusse et l’Autriche en échec. » Lord Cowley vit dans ces paroles une demande de laissez-passer pour la guerre. — « Il semble, écrivait-il, que l’Empereur attende du gouvernement de la Reine qu’il veuille bien lui dire : Ne faites pas la guerre ; mais, si elle entre dans vos convenances, ne vous gênez pas, il y a dans la Méditerranée une grande flotte à votre service. Il est certain que, si nous parlions de la sorte, la guerre éclaterait incontinent. »

Le cabinet de Londres était fort perplexe : d’une part, il avait à compter avec l’opinion anglaise, qui était sympathique à la cause italienne ; et, de l’autre, il ne pouvait sacrifier l’Autriche, étroitement associée à la défense de ses intérêts en Orient. C’est ce que sir James Hudson, son envoyé à Turin, s’efforçait de faire comprendre à M. de Cavour. — « Nos ministres, lui disait-il à la fin de décembre, à son retour d’Angleterre, portent un vif intérêt à l’Italie, mais ils sont absorbés par les affaires d’Orient et n’ont pas le temps de s’occuper des vôtres. Ils sont d’ailleurs obligés de ménager l’Autriche, qui est L’épée de l’Angleterre contre les Russes. Ne vous faites pas d’illusions ; l’opinion publique, à Londres aussi