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sur elle pour affranchir la Pologne, et elle lui avait faussé compagnie. Son attitude, tandis que nous assiégions Sébastopol, avait permis à la Russie de dégarnir les frontières de la Galicie pour jeter toutes ses forces en Crimée. À la paix, la politique autrichienne s’était mise en opposition ouverte avec la politique française sur toutes les questions soumises au Congrès. D’accord avec l’Angleterre, elle s’était appliquée à contrecarrer l’union des principautés moldo-valaques, qui nous était chère, et à entraver la liberté de la navigation sur le Danube. À tous ses précédens griefs le cabinet de Vienne venait d’en ajouter un nouveau. Sans se concerter avec les signataires de la paix, il avait pris sur lui d’offrir au pacha de Belgrade dans l’embarras son assistance militaire. Cette infraction flagrante aux stipulations du traité de Paris, vivement relevée par notre ambassadeur à Constantinople, avait produit aux Tuileries, en s’ajoutant aux procédés agressifs de l’Autriche en Italie, une vive irritation, et c’est sous la fâcheuse impression de tous ces démêlés que l’Empereur s’était laissé aller à déplorer, dans une circonstance aussi solennelle, la mésintelligence des deux cabinets.

Ses paroles, du reste, avaient été à peine entendues par les membres du corps diplomatique présens à l’audience ; et l’ambassadeur lui-même, bien que troublé au premier moment, s’était rassuré en entendant l’Empereur manifester pour la personne de son souverain une chaleureuse sympathie.

Il est des mots qui font fortune, et dont les partis s’emparent pour s’en faire une arme contre les gouvernemens qu’ils combattent. Dès le soir du 1er janvier, dans les cercles et dans les salons, on ne parlait que du compliment du jour de l’an adressé à M. de Hübner. Chacun l’accommodait à sa façon ; tous se plaisaient à y voir le prélude de menaçantes complications. Le lendemain, le monde des affaires s’émut à son tour, et son émotion se traduit à la Bourse par une forte baisse. On se doutait depuis longtemps que nous étions en dissentiment avec l’Autriche sur les questions relatives à la guerre de Crimée, mais on était convaincu que ces différends, soumis à l’arbitrage des puissances, n’étaient pas de nature à compromettre la paix. Si la paix devait être compromise, ce serait donc en Italie. Le gouvernement piémontais, du reste, ne négligeait rien pour en donner l’impression.

L’Empereur se mit en frais pour calmer les inquiétudes qu’il avait imprudemment suscitées. Ayant aperçu le baron de Hübner