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chargé de nous déclarer qu’aussitôt les hostilités ouvertes, son gouvernement concentrerait sur les frontières de la Galicie une armée de cent à cent cinquante mille hommes. C’était le moment où l’Empereur, impressionné par la répugnance que la guerre inspirait à la nation, adhérait au projet de médiation du cabinet de Londres.

Le prince Gortchakof redoutait qu’il ne reculât, dans la seule crainte de n’être pas soutenu par la Russie. Il lui importait de le tranquilliser et de le stimuler. Les négociations, aussitôt renouées, aboutirent, le 2 mars, à la signature d’une convention, avouable dans le présent et dans l’avenir, car elle reposait sur des conditions d’égalité : mais, au fond, le traité ne stipulait rien de bien formel. La Russie ne procéda que tardivement à des arméniens, et les forces que peu à peu elle concentra sur les frontières de la Galicio ne pouvaient, ni par leur attitude, ni par leur nombre, impressionner l’Autriche. La faute que Napoléon avait commise à Stuttgart ne laissa aucun enseignement dans son esprit. Il devait éprouver en 1870, vis-à-vis de l’Autriche et de l’Italie, les mêmes déboires que la Russie lui donnait en 1859 ; il les crut engagées par de simples lettres de François-Joseph et de Victor-Emmanuel, autant que par de véritables traités d’alliance. Les alliances veulent être préparées de longue main, et les gouvernemens avisés n’attendent pas pour les conclure l’ouverture des hostilités.

Les prétentions de la Russie, la malveillance de l’Angleterre et l’altitude équivoque de la Prusse auraient dû nous inspirer de salutaires réflexions et nous montrer que nous nous engagions dans une voix périlleuse. Déchirer les traités de Vienne était certes une ambition justifiée ; mais il fallait les déchirer à l’heure venue, avec des alliances certaines, avec une armée puissante à la hauteur de toutes les éventualités, de façon à ne pas compromettre, en un seul jour, la grande situation que nous avait value la guerre d’Orient. Provoquer un conflit contre le gré de la France, sans raison majeure, en se mettant en hostilité morale avec l’Europe, cela s’expliquait d’autant moins qu’en nous interdisant d’avance toute extension sur le Rhin, nous nous engagions à suivre après la victoire une politique en contradiction flagrante avec le traité de Paris.

L’Italie nous était chère, assurément ; tous nos gouvernement depuis 1815 lui avaient donné les marques effectives de leur sollicitude ;