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pour ambassadeur à Londres le très regretté M. Waddinglon. M. Waddington, conformément aux instructions de M. Ribot, a engagé une conversation sur l’Égypte avec M. Gladstone, qui semblait s’y prêter avec des intentions très droites. Deux jours après, l’ambassadeur de la Reine à Paris, lord Dufferin, s’est plaint à M. Ribot de ce que lord Rosebery, ministre des Affaires étrangères, regardait comme un procédé incorrect. C’était avec lui, lord Rosebery, et avec lui seul, qu’on devait traiter la question d’Égypte. Soit ! M. Waddington a essayé d’en parler à lord Rosebery : celui-ci s’est empressé de dire que le moment n’en était pas venu, et qu’il ne manquerait pas d’avertir notre ambassadeur dès qu’il jugerait l’heure plus opportune. Cette opportunité ne s’est jamais rencontrée pendant que lord Rosebery est resté aux affaires, ni depuis, bien entendu. M. Gladstone a-t-il connu cet incident, à l’instant même où il s’est produit ? Non, sans doute. Lord Roseberry s’était plaint à nous, mais non à lui, et la preuve en est que, quelque temps après, M. Gladstone, déjà dans la retraite, a écrit à un jeune Égyptien une lettre où il reprochait, lui aussi, à la France d’avoir évité la conversation sur l’Égypte, ou de l’avoir volontairement laissé » tomber. M. Ribot avait quitté les affaires comme M. Gladstone. Il lui a écrit pour rectifier les faits, M. Gladstone a répondu, et la correspondance a été de telle nature, que ce dernier a exprimé le désir qu’elle ne fût pas publiée. Voilà ce qui s’est passé au sujet de l’Égypte.

M. Ribot a été aussi net, aussi précis, aussi probant en ce qui concerne Madagascar. Il a montré que nous n’y avions manqué à aucune de nos promesses, et cette démonstration avait besoin d’être faite, puisque l’affirmation contraire était reproduite presque quotidiennement en Angleterre. À notre avis, le gouvernement de la République a eu tort, dans son propre intérêt, de convertir le protectorat en annexion ; mais il était maître de le faire. À notre avis, il a eu tort d’établir, pour l’entrée des marchandises étrangères, des tarifs trop élevés ; mais il était maître de les établir, car l’annexion avait fait table rase des traités antérieurs souscrits par le gouvernement malgache, et aucun engagement international ne s’opposait à sa pleine liberté douanière. Il y avait là une simple question de mesure. La mesure a-t-elle été dépassée ? Nous l’avons toujours cru, nous l’avons toujours dit ; notre opinion n’a ici rien de nouveau ; mais, pour la première fois, elle a été exprimée devant la Chambre par deux orateurs très distingués, dont l’un, M. Denys Cochin, représente la droite, et dont l’autre, M. Ribot, représente le centre républicain, c’est-à-dire la fraction la plus considérable de la majorité. M. Cochin, dans un discours plein de