plaindre n’avait été prononcé. Et cependant, tous ceux qui ont pris la parole en ont usé très librement ; ils ont dit ce qu’ils avaient à dire sans l’atténuer par des artifices de rhétorique ; ils ont parlé comme ils pensaient, comme ils sentaient, avec dignité, avec fierté. Une telle discussion honorerait un parlement quelconque.
Nous ne l’analyserons pas, parce qu’il faudrait revenir sur ce que nous avons déjà dit bien des fois, et répéter des observations devenues familières à nos lecteurs. M. d’Estournelles, dans son intéressant discours, a poussé l’impartialité aussi loin que possible. S’il a relevé des torts à la charge des Anglais, il en a mis quelques-uns à la nôtre, principalement à propos de la question d’Égypte. À l’entendre, la manière dont nous l’avons traitée présente une série continue d’occasions manquées. Peut-être quelques-unes de ces occasions n’étaient-elles pas aussi bonnes qu’il l’imagine rétrospectivement, et nous ne les regrettons pas toutes, même aujourd’hui, autant qu’il le fait. M. Ribot a répondu à cette partie de son discours avec une abondance d’argumens précis, et avec des souvenirs personnels qui ont remis toutes choses au point. Quel que soit le mérite de ces divers discours, celui de M. Ribot a incontestablement produit sur la Chambre l’impression la plus vive et la plus profonde. À propos de l’Égypte, comme à propos des autres affaires que nous avons eu à traiter avec l’Angleterre depuis quelques années, il nous a disculpés de ce reproche de tracasserie mesquine et brouillonne qu’on aime tant à nous adresser de l’autre côté du détroit. Il n’est pas exact que nous ayons pratiqué une telle politique en Égypte. Si nous avons fait des difficultés au sujet de l’emploi des économies fiscales, ce n’est pas pour priver l’Égypte d’un bénéfice qui lui reste acquis, ni l’Angleterre d’un moyen d’action qu’elle retrouvera plus tard ; mais c’est qu’il y avait là pour nous une occasion d’engager une conversation qui nous semblait indispensable, et de poser quelques questions dont la réponse nous intéressait grandement. Cette conversation, on nous l’a refusée ; ces questions, on les a éludées pendant de longues années consécutives ; et, aujourd’hui, un des griefs que la presse anglaise énonce le plus volontiers contre nous n’en est pas moins de n’avoir jamais voulu aborder nous-mêmes, ouvertement et directement, la question d’Égypte dans son ensemble, ni la prendre par ses grands côtés. Elle nous accuse d’avoir fait contre l’Angleterre de la très petite guerre, taquine et sournoise, guerre de ruses et d’embuscades, presque de guet-apens. Rien n’est plus inexact. M. Ribot a raconté, à ce sujet, ce qui s’est passé entre lui et M. Gladstone, la dernière fois que le grand homme d’État a occupé le pouvoir. Nous avions alors