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Chambre des députés, dans quel esprit la France avait accepté de s’y rendre. Elle avait « la certitude, a-t-il dit, qu’on ne lui demanderait rien qui fût de nature à la diminuer, soit dans le présent, soit dans l’avenu. » Toutes les puissances ont sans doute pris la même précaution, et la certitude que nous avons, les autres l’ont aussi, et n’y tiennent pas moins. Il ne peut être question, ni de près ni de loin, ni directement ni indirectement, d’agiter des problèmes politiques : on ne saurait le faire, même par allusion détournée, sans s’exposer à ce danger de complications militaires que la conférence a précisément pour but d’atténuer. Et c’est pour cela que nous avons dit en commençant qu’elle n’avait pas à se préoccuper outre mesure, pour se réunir, de la situation de l’Europe, puisqu’elle ne doit avoir aucun rapport avec cette situation. Il s’agit d’une question toute technique : la guerre. Comment peut-on faire pour empêcher sa préparation d’épuiser inutilement les meilleures ressources d’un pays ? Comment peut-on faire pour l’éviter, dans les cas où elle est évitable ? Et si, par malheur, elle éclate, comment doit-on faire pour en atténuer les calamités ? L’œuvre de la conférence est comprise dans ces quelques mots. Ne semble-t-il pas que ce serait l’amoindrir que d’y mêler des préoccupations étrangères à un objet aussi élevé ?


Nous avons dit que M. Delcassé, dans la séance du 23 janvier, avait été amené à donner à la Chambre des députés des explications depuis longtemps attendues. L’occasion s’en est présentée tout naturellement à propos du budget des Affaires étrangères. La Chambre a consacré deux séances à ce débat : la première surtout a été remarquable par l’attitude de l’assemblée et par le talent des orateurs qui se sont succédé à la tribune. Des séances de ce genre sont malheureusement trop rares au Palais-Bourbon ; mais il suffit qu’elles se produisent quelquefois pour que la Chambre prenne conscience de ce qu’elle pourrait valoir si elle se dégageait du joug des interrupteurs, des interpellateurs et des agitateurs de profession. Ceux-ci ayant bien voulu, pour une fois, interrompre leurs exercices habituels, elle a pu écouter ses orateurs avec une attention religieuse et dans un silence absolu. Tout le monde d’ailleurs comprenait la gravité du débat : il n’était pas attendu seulement chez nous, mais aussi au dehors, et l’impression qui devait en résulter était destinée à étendre son effet au delà de nos frontières. Cet effet a été bon, comme il méritait de l’être. Les journaux anglais, si injustes pour nous il y a quelques jours, ont reconnu loyalement que pas un mot dont leur pays aurait pu se