force destructive de l’homme sur l’homme, la destruction, en réalité, est devenue moindre. Et dès lors on peut se demander si ce n’est pas faire fausse route que d’interdire l’emploi de certains engins, ou d’en rendre le perfectionnement inutile. Or, c’est ce que fait le comte Mouravief. Il condamne les nouvelles armes à feu et les nouveaux explosifs que l’on pourrait inventer, les poudres plus puissantes, les fusils et les canons à plus longue portée. Il limite l’emploi de ceux qui existent déjà. Il prohibe le lancement de projectiles ou d’explosifs quelconques du haut des ballons, expérience qui n’a pas été encore faite. Il s’oppose à l’emploi dans les guerres navales des bateaux-torpilleurs sous-marins ou plongeurs. Il interdit la construction des navires de guerre à éperon. Toutes ces propositions méritent d’être examinées avec le plus grand soin ; mais elles appellent des objections, même au point de vue où se place le comte Mouravief. Voulez-vous rendre la guerre plus difficile et dès lors plus rare ? Voulez-vous la rendre plus courte, et dès lors d’un poids moins lourd pour les pays qui la supportent ? Le meilleur moyen n’est pas d’arrêter artificiellement les progrès de l’art militaire, et l’instinct populaire ne se trompe pas, lorsqu’il applaudit à ces progrès, comme on vient de le faire chez nous à propos du bateau sous-marin. À la guerre, tous les moyens de destruction sont légitimes, excepté ceux qui n’ont pas pour objet seulement de mettre l’ennemi hors de combat, mais encore de l’achever sans nécessité, et surtout de le faire inutilement souffrir. Ceux-là sont odieux et doivent être réprouvés. Le sauvage empoisonne ses flèches. L’homme civilisé qui empoisonnerait ses armes, ou qui les construirait de manière à rendre les blessures plus douloureuses, descendrait au niveau du sauvage. L’ennemi, devenu inoffensif, devient aussitôt sacré. C’est à cette pensée que se rapporte la seconde partie de la proposition du comte Mouravief : là, il n’y a plus de réserves à énoncer, il n’y a qu’une approbation à donner, et aussi large que possible.
On reconnaît, dans cette seconde partie du programme russe, la noble inspiration qui déjà animait l’empereur Alexandre II, lorsqu’il a invité l’Europe à la conférence de Bruxelles, en 1874. Il s’agissait, à cette époque, non pas d’empêcher la guerre, mais d’en régulariser les pratiques et d’en diminuer l’horreur. Nicolas II continue la même œuvre, en quoi il mérite bien de l’humanité tout entière. La circulaire russe propose l’adaptation aux guerres maritimes des stipulations de la convention de Genève de 1864. Pourquoi maintenir, en ce qui concerne les blessés, une différence entre la guerre maritime et la guerre terrestre ? Les blessés doivent exciter le même intérêt, la même pitié,