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Et, de fait, toutes leurs espérances sont réalisées quand ils débarquent sur la terre nouvelle qu’ils ont choisie. Ils vont donc au loin, se rallient en certains points et finissent par fonder de véritables colonies allemandes. Colonies commerciales et parfois agricoles, d’une très remarquable homogénéité et d’une solidarité telle qu’elles peuvent être regardées comme autant de petites patries allemandes. Ainsi groupés, les immigrés allemands accaparent le commerce presque entier des pays sur lesquels ils se sont implantés. Ils forment alors ces agglomérations d’hommes et d’intérêts qui constituent des colonies complètes.

Ces colonies commerciales ont ceci de très caractéristique qu’elles conservent religieusement le sentiment de leur nationalité d’origine. Greffées sur des sociétés d’un autre génie et d’autres mœurs, elles restent allemandes toujours, longtemps du moins, sans pourtant jamais froisser en rien les usages ou les idées de leur pays d’adoption. Elles s’infiltrent au contraire dans leur vie sociale par des unions aisément contractées. Elles créent des familles, mais sans, pour cela, perdre le privilège de l’éducation, toujours supérieure, reçue autrefois au pays natal.

Très estimés et aimés, les membres de ces colonies allemandes ne tardent pas à conquérir sur la population indigène une sorte de domination morale. La raison de ces sympathies et de cette supériorité effective est qu’ils ont la sagesse de rester à l’écart des querelles politiques et locales qui divisent trop souvent ces républiques hispano-américaines.

En plusieurs de ces turbulentes contrées, la vie nationale se réduit à deux élémens déterminés : la politique, stérile là comme partout, et le commerce, plus fécond là qu’ailleurs. Or, tandis que les indigènes sont plutôt absorbés par la politique, le commerce fructueux et productif est accaparé par les étrangers. Ces derniers sont privilégiés à maints égards, car lorsque tous, autour d’eux, ont à souffrir des fréquentes agitations politiques, eux jouissent de la protection duc à leur caractère d’étrangers.

Je le répète encore, mon intention n’est point de suivre les Allemands dans toutes leurs migrations. Je me borne à les étudier seulement en quelques points rapprochés d’Europe. Je vais donc montrer comment ils se sont établis dans les Antilles, dans les régions qui entourent les Antilles, et dans les républiques hispano-américaines que baigne l’Atlantique.

La genèse de ces colonies allemandes est intéressante et a presque