être considérée véritablement comme une conquête de territoire ; c’est plutôt l’acquisition d’un point stratégique et une porte ouverte sur la Chine au commerce allemand. En réalité, cette colonie future se rattache beaucoup au système de colonisation commerciale dont nous allons donner la description.
Est-ce à dire que les Allemands renoncent à tout rayonnement de leur nationalité et à toute idée d’extension coloniale ? Peut-être, si on le comprend dans le sens que nous donnons à ces mots ; mais sûrement non, si l’on considère avec un peu d’attention comment ils se groupent, vivent et prospèrent hors de l’Europe. Ils pratiquent autrement que nous le développement extérieur de la patrie, tout simplement. Alors que nous recherchons des agrandissemens de territoires, eux semblent n’aspirer qu’à une extension commerciale. Ils paraissent donner raison à l’appréciation de M. de Bismarck, en émigrant de tous côtés et allant se grouper un peu partout dans le monde. La nécessité d’émigrer s’explique d’ailleurs, chez les Allemands, par le notable accroissement de leur population ; accroissement qui deviendrait un danger pour eux-mêmes, n’était l’incessant exode du surplus vers d’autres contrées. Ils comprennent que, dans l’encombrement où ils se meuvent chez eux, ils ne pourraient que lutter avec peine pour l’existence. Aussi ne s’obstinent-ils pas à la bataille cruelle dans un milieu à compétitions intenses et sur un sol épuisé. Suivant l’immuable loi de nature, ils émigrent vers tous les lieux où ils pourront trouver une plus large part pour la vie, et l’espace nécessaire à leur libre expansion.
Leur mode d’émigration et leur manière de s’implanter en pays étrangers ont besoin d’être étudiés. Le mobile qui les pousse vers des contrées lointaines n’a rien de commun avec l’esprit d’aventure qui entraîna jadis les Espagnols et les Français vers des pays inconnus. Comme les Conquistadores fameux, nos vaillans ancêtres furent d’intrépides aventuriers, des conquérans, plutôt que des colonisateurs. Ajoutons que, s’il n’est resté dans ceux de leur race qu’un peu de leur caractère, ceux-ci ont, en revanche, hérité trop souvent de leur manque de sens pratique. C’est là sans doute la raison de la lenteur de nos progrès en fait de colonisation.
Les émigrans allemands, eux, partent, non au hasard, mais avec un but précis. Ils savent vers quelles régions ils vont et ce qui les attend. Sans se faire d’illusion sur les difficultés de leurs débuts, ils ont seulement foi dans leur courage. Ils ne sont sûrs que d’une chose, c’est de pouvoir trouver, au loin, un champ plus large à leur énergie.