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Quel morne chef coupé, — souvenir ou présage, —
Flotte dans le halo de l’astre pluvieux ?
Mais Salomé n’a pas détourné son visage,
Nul effroi ne la trouble et n’obscurcit ses yeux.

Qu’importe que la tête horrible roule, et saigne,
Et pèse un poids trop lourd à son geste ingénu,
Et que son pas dansant de ce sang noir s’imprègne
Et qu’un roi paternel convoite son corps nu ?

Sa figure naïve est puérile et claire
Entre l’écartement lisse de ses bandeaux,
Et sa robe revêt la grâce singulière
D’un torse adolescent qui cambre un souple dos.

Elle s’attarde ainsi sur la terrasse blanche,
— Qu’est-ce que tout cela, petite fille ? Rien. —
Et songe, en admirant son sein rond et sa hanche.
Qu’elle se trouve belle et qu’elle danse bien.


LA CHEVELURE DE BÉRÉNICE



Écoute. Sois très sage et ne dérobe pas
Ton méchant petit front dans tes deux petits bras
Pour avoir vu le peigne et la brosse d’ivoire.
Viens. Je vais te conter une très belle histoire.
Mets-toi là, sans bouger, droite entre mes genoux.
Et je démêlerai tes cheveux longs et doux.
Mais ne détourne pas la tête, que je puisse
Les dérouler plus beaux que ceux de Bérénice.
Elle était reine ; et toi, seras-tu reine un jour ?
Et qui sait, si l’été, sous le peigne à son tour
À chacun de ses fils ta natte étincelante
Ne fera pas briller quelque étoile filante ?
Eclair brusque, ou clarté sereine, ou bien encor
Comète fabuleuse à la crinière d’or,
Ces mèches par tes jeux tant de fois emmêlées
Rayonneront au « ici en boucles constellées ;