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une cinquantaine de coquillages. La récolte de pintadines peut atteindre ainsi vingt et trente mille, mais, en moyenne, elle est de six mille.

La pêche, dans nos possessions Océaniennes, se fait d’une manière plus primitive encore. Dégagé de tout vêtement, sans corde ni contrepoids, le pécheur tahitien se laisse glisser dans l’eau, jusqu’à des profondeurs de 25 à 30 mètres, il y séjourne deux ou trois minutes et remonte lui-même, ramenant seulement une ou deux grandes pintadines. Il tire de ce métier 100 à 150 francs par mois. Il y gagne sa vie et il l’y perd souvent aussi, car il faut ajouter, à tous les risques de cet aventureux métier, celui des requins qui infestent ces parages.

Quelquefois, chaque coquille contient au moins une perle : d’autres fois, des lots entiers de pintadines n’en présentent pas une seule. On compte, en moyenne, une perle par quatre coquilles. Ce sont le plus souvent de petites perles, de celles que nous avons appelées grains ou semences. Les grandes sont plus rares ; on en compte une pour cinq mille coquilles. La pêche détruit chaque année un total de vingt millions d’huîtres perlières et produit, outre la semence, deux ou trois mille perles et vingt mille tonnes de nacre.

De notre temps, on ne signale pas de perles isolées d’un prix aussi fabuleux que les perles célèbres de Cléopâtre, de Servilia, de Philippe II et de Philippe IV, et de Léon X, payées de 300 000 francs à plus d’un million de notre monnaie. En 1875, la pêche d’Australie a fourni une perle de 45 000 francs. En 1883, on a recueilli, à Nicol-Bay, une perle baroque formée de sept perles soudées en croix, dont la valeur serait énorme. En 1882, les perlières de Californie ont produit une perle de 40 000 francs. Quant aux parures, elles peuvent atteindre des prix considérables. Les colliers de 100 000 francs ne sont pas rares à Paris, ni à New-York, mais les écrins des princes et des particuliers sont cependant loin d’atteindre la richesse qu’ils eurent à Rome. Rien ne pourrait entrer en comparaison avec la magnificence de cette Lollia Paulina, dont l’aïeul Lollius avait si scandaleusement pressuré les princes de l’Orient, et finalement s’empoisonna « afin. dit Pline, que sa petite-fille se fit voir, aux flambeaux, avec une parure de quarante millions de sesterces. »


A. DASTRE.