vue de ce front vénérable et blanchi, auprès duquel pâlissait l’or étincelant des casques, la foule ne put réprimer ses sanglots. Mais cette douleur fut bientôt apaisée ; le visage du Pontife rayonnait d’allégresse. Ce n’était point une victime qu’on traînait au supplice, mais un vainqueur qui marchait au triomphe. Oui, cet humble pêcheur de Galilée, courbé sous le poids des années, se redressait maintenant et dominait ces prétoriens, de toute l’auguste majesté de son ministère et de ses vertus. Il allait ainsi qu’un roi, parmi les rangs pressés de son peuple et de son armée. De toutes parts des voix le saluaient : « Voici Pierre qui s’en va rejoindre le Seigneur ! » On ne songeait ni à son supplice ni à sa mort, mais à l’éternelle couronne qui lui était destinée. Et la foule suivait, grave, recueillie, avec l’instinctive expérience que, depuis le drame divin du Golgotha, rien de plus extraordinaire ni de plus sublime n’avait pu se produire sur la terre, et que, de même que Jésus racheta le monde, le supplice de l’apôtre servirait aujourd’hui de rédemption à la ville.
Tout le long du parcours, à la vue de ce vieillard, les passans s’arrêtaient surpris et troublés. — « Voyez ! leur disaient les chrétiens, c’est ainsi que sait mourir le successeur du Christ, celui qui a prêché l’amour divin à tous les peuples. » — Alors les gentils s’étonnaient. — « En vérité ! cet homme nous paraît un juste. » Le cortège poursuivait sa marche, entre les hautes rangées des maisons nouvellement construites, sous les portiques des temples, dont les faites et les coupoles dorés s’enlevaient sur l’azur profond du ciel. Un grand silence planait, qu’interrompaient seuls le pas rythmé des soldats, le bruissement de leur armures et aussi les soupirs des fidèles. L’apôtre entendait ces prières, et ses traits s’illuminaient d’une sainte ardeur. Son œuvre se trouvait accomplie ; cette vérité, prêchée par lui, s’étendrait désormais sur le globe entier, ainsi qu’une onde vivifiante dont aucune force ne parviendrait plus à endiguer les flots. Et il levait ses yeux reconnaissans au ciel. — « Seigneur ! pensait-il, vous m’aviez ordonné de conquérir cette cité, reine du monde ; et voici que je vous l’ai conquise ; vous m’aviez prescrit d’y établir votre siège, et je l’y ai établi ; Seigneur ! je vous rends votre ville : moi, je m’achemine vers vous, car je suis l’ouvrier qui fléchit sous le poids du labeur. » — Puis son visage tourné vers les temples païens, il leur disait : — « Vous deviendrez les sanctuaires du Christ, » — et aux foules humaines qui s’écoulaient devant lui : — « Vos fils loueront la gloire du Seigneur notre Dieu. » — Ainsi, il parcourait sa route, dans l’assurance bénie de la pacifique conquête, conscient de sa puissance, de la grandeur de la tâche accomplie, le cœur plein d’espoir, de consolation, de joie. Il franchit le Pons Triumphalis, comme si les prétoriens eussent voulu par la rendre témoignage à sa victoire ; il s’avançait vers les Naumachies et le Cirque. Grossie par la masse des fidèles accourus des quartiers transsibériens,