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en Chine sera un bienfait de premier ordre pour les habitans de ce pays.


III

Où en est actuellement l’œuvre du développement du Céleste Empire et de la pénétration des Européens ? Quels sont les résultats des premiers rapports entre Occidentaux et Chinois et les sentimens de ceux-ci à l’égard de ceux-là ? Que peut-on attendre de l’avenir et par quel moyen le progrès peut-il s’introduire définitivement et rapidement en Chine ?

La condition des étrangers dans l’Empire du Milieu a fait l’objet de conventions formelles pour la première fois, en ce siècle, lors du traité de Nankin, signé en 1842 avec l’Angleterre à la suite de la guerre dite de l’Opium, suivi en 1844 de traités conférant les mêmes avantages à la France et aux États-Unis, puis plus tard à d’autres nations. En 1858, les traités de Tien-tsin, conclus avec la France et l’Angleterre à la suite d’une courte guerre, mais dont la ratification ne fut obtenue qu’en 1860 après une campagne plus sérieuse et l’entrée des troupes alliées à Pékin, vinrent améliorer la situation faite aux Européens. Enfin, en 1895, le traité de Shimonosaki, imposé par le Japon victorieux, donna de nouvelles facilités au commerce étranger. C’est un fait caractéristique qu’aucune concession sérieuse n’ait pu être obtenue de la Chine qu’à la suite d’une guerre malheureuse, que le gouvernement de Pékin n’ait toujours cédé qu’à la force, jamais à la persuasion.

Depuis le XVIe siècle cependant, les Européens avaient pu, comme avant eux les Arabes et les Malais, commercer à Canton, sans être molestés, parce qu’ils ne cherchaient pas à étendre leur champ d’action. Mais aussitôt que, dans le second quart du XIXe siècle, ils devinrent plus nombreux et plus exigeans, les rapports se tendirent. L’orgueil des Occidentaux, plus convaincus que jamais de la supériorité de leur civilisation, dont les progrès marchaient alors d’un pas si rapide qu’ils brûlaient de l’imposer au monde entier, se heurta à l’orgueil, non moins grand, des Chinois, inébranlablement attachés à ces anciens usages que les Barbares méprisaient. Le port de Canton, consacré par la tradition comme lieu d’échange avec les étrangers, ne leur suffisait plus ; ils prétendaient en outre s’affranchir de l’intermédiaire des douze marchands hongs auxquels le gouvernement avait concédé le monopole du négoce