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Ce n’est qu’une enfant ! La puissance de Jésus ne l’emporte-t-elle pas sur celle de César ? Vous nous avez bénis. Votre cœur paternel chérit cette innocente. Sauvez-la ! »


Et Pierre, ses deux bras levés vers le ciel :


« Ô mon fils, persiste en ta foi, car la foi soulève les montagnes. Dusses-tu la voir sous le glaive du bourreau, ou dans la gueule du lion, espère et crois encore. Oui, Jésus peut la sauver. Crois et prie ! »


Ces prières seront exaucées. Lygie échappera à la vengeance de César, parce qu’elle est douce et pure comme l’agneau sans tâche, parce que, même enchaînée au fond de sa hideuse prison, cette vierge est armée de la divine vertu de l’amour. C’est elle qui console son amant :


Marc, Notre Seigneur ne demandait-il pas à son Père d’éloigner le calice de ses lèvres, et pourtant il a dû le boire jusqu’à la lie. Il est mort pour nous. Aujourd’hui, que d’innombrables victimes tombent en glorifiant son nom, pourquoi désirerais-je me voir épargnée ? Que je suis peu de chose en présence du Maître adorable ! J’ai eu peur, moi aussi… j’ai tremblé… C’est fini maintenant, mes craintes ont fui. Vois l’affreuse nuit de ce cachot, et songe à la lumière céleste qui m’attend. Ici-bas règne César : là-haut, le Sauveur doux et miséricordieux. Marc, tu m’aimes, pense à la félicité qui m’est promise ; pense que tu viendras me rejoindre en l’éternel séjour. Ne pleure pas. Souviens-toi que nous nous retrouverons bientôt. Ma vie fut courte comme une heure de soleil, mais Dieu m’adonne ton amour. Et je veux rendre témoignage que, me voyant mourir abîmée de douleur, tu n’as pas blasphémé contre le nom de Dieu, mais que tu l’as béni, adoré et glorifié. Il nous réunira, sois-en sûr… Je t’aime… je suis à toi ; ton épouse et ta servante dans l’éternité.


Ne sont-ce pas là de grandes et simples paroles, que seul peut inspirer l’amour chrétien ?

Dieu les réunit encore sur cette terre. Ils y vécurent heureux, à l’ombre de ces bois d’amandiers, dont les rameaux, chargés de fleurs roses et parfumées, b inclinaient comme en un baiser, jusqu’aux flots d’azur de cette mer Tyrrhénienne, image du repos et de l’infini de l’amour.


III

« Nous voici depuis quelques jours à Naples, ou plutôt à Baïe. D’abord, souvenirs et remords nous y ont assailli. Mais que pèsent les