nature de chevalier romain, agit d’abord en coup de foudre. Écoutons-le confier à son oncle Pétrone l’ardeur et les tourmens qui le dévorent.
— Étrange, dit-il, m’a paru cette demeure des Aulus, peuplée comme une ruche, et plus silencieuse pourtant que les bois de Subiacum. J’y séjournais depuis bientôt un mois, et j’ignorais qu’elle fût l’abri d’une déesse. Je l’entrevis enfin, au lever de l’aurore, penchée sous le jet d’eau de la fontaine. Par la blanche écume des flots, d’où sortit Aphrodite, je jure que les reflets de l’aube rayonnaient au travers de son corps diaphane ! Depuis, je n’ai plus goûté un instant de repos. Elle est l’unique et suprême but de mes pensées et de mes désirs. Je dédaigne les plaisirs, je méprise les ivresses de la ville et du monde. Je ne veux ni femmes, ni richesses, ni bronzes de Corinthe, ni perles, ni ambres précieux. Je ne veux que Lygie. Je languis ainsi que languissait Somnius épris de Pasiphaë. Oui, je languis, et je pleure après elle, les jours et les nuits durant.
Et, lorsqu’il la retrouve enfin, au sein de cette même demeure, où elle lui est apparue pour la première fois, voici l’aveu que la sincérité de sa passion amène sur ses lèvres.
« On nous enseignait, jadis, que le bonheur consistait à vouloir ce que veulent les dieux, c’est-à-dire que le bonheur dépend de la volonté. Or, aujourd’hui, j’en entrevois un, infiniment plus cher, mais qui échappe à mon vouloir, puisque l’amour seul peut me le procurer. Vous connaissez, n’est-ce pas, Titus fils de Vespasien ? Encore adolescent, il s’éprit d’un tel amour pour Bérénice, qu’il se dessèche loin d’elle, comme le saule privé de sa source. C’est ainsi que je saurais aimer, ô Lygie ! Trésors, gloire, puissance… Vaines fumées ! La gloire d’hier pâlit aux reflets de la gloire présente, et le puissant de la veille sera le vaincu du lendemain. Mais César, mais les dieux eux-mêmes, pourraient-ils goûter de plus pures délices, pourraient-ils se dire plus heureux que le simple mortel, auquel il est donné de sentir palpiter un cœur chéri contre sa poitrine, et reposer sur ses lèvres des lèvres aimées ? L’amour seul, voyez-vous, nous rend semblables aux dieux. » — Elle l’écoutait, surprise et charmée à la fois. Il la berçait d’une musique, dont l’harmonie s’insinuait ainsi qu’une ivresse en son âme, l’emplissait de trouble, de crainte, mais aussi d’une indicible joie. Quelque chose s’éveillait en elle. Un rêve inconscient, à peine ébauché, revêtait les formes réelles d’une image de plus en plus aimable et de plus en plus chère. Le soleil brillait très bas de l’autre côté du Tibre, illuminait le Janicule. Sa rouge flamme empourprait les cyprès immobiles dans la paix du soir, et saturait l’atmosphère limpide. Alors