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presser, il allait parmi les ruines, recherchant les Bouddhas oubliés depuis si longtemps, pour se donner le mérite de faire fumer un peu d’encens devant eux. Le bon moine portait avec lui un album où son passage aux différentes pagodes était attesté dans toutes les écritures d’Orient. Quelques Anglais professant le bouddhisme avaient aussi inscrit leur « testimonial » sur son carnet, qui contenait, entre autres, une très originale inscription de la société du Maha-Boddha (la grande sagesse), fondée par Mme Blavatsky sous la présidence honoraire du grand Lama du Thibet… Quelques mots de français, les premiers, y furent ajoutés par moi, sur sa demande.

Avec le Bayon, les temples à gradins de Préa-Sat-Suor-Pot, de Préa-Pithou, de Bapuon et le palais de Piméan-Acas, sont tout ce qui reste d’Angkor-Thôm, la ville aux 20 000 maisons. Il est vrai que les habitations devaient être construites en bois, ainsi quelles le sont encore dans le pays, et il n’est pas surprenant qu’il n’en demeure pas trace. On chercherait aussi vainement des nécropoles, comme on en trouve en Égypte : les Khmers brûlaient leurs morts.

Après avoir exploré les rares débris de la ville immense, nous consacrâmes les jours suivans à des excursions aux monumens situés sur la rive gauche de la rivière de Siem-Reap : Préa-Sat-Koo, Ta-Prom, temple dédié à Brahma, avec son monastère de Kédéi et ses piscines de Srà-Srang ; Mé-Baume, Préa-Rup et Bachoum, où la brique commence à apparaître, et qui sont vraisemblablement du IXe siècle de notre ère, ainsi que les édifices plus éloignés de Loley, de Bakou et de Bakong, dont l’ornementation consiste en placages de mortier de ciment. Sur la rive droite du petit cours d’eau, se dresse le temple de Phnom-Bakeng, qui couronne un monticule d’où l’œil distinguerait l’ensemble de toutes les ruines, si elles n’étaient pas, à l’exception d’Angkor-Wat, enfouies sous les immensités de la forêt aux cimes arrondies, qui se déroulent à l’infini, comme les flots d’une mer toujours verte ; du même côté sont les deux petits sanctuaires de Thamma-Nam et de Chau-Sei-Tevada, temple dédié au Lingam, et que gardaient des légions d’Apsaras ravissantes, dissimulées dans des galeries obscures ; Pouteay-Préa-Khan, la pagode où était conservée le Préa-Khan, l’épée sacrée des rois ; enfin le lac artificiel de Barai-Mé-Beaume, entouré de gradins : c’était là que se donnaient « les jeux aquatiques.