en l’air, tandis que l’autre se replie sur le buste, quelquefois même sur le ventre, comme pour arrêter un regard indiscret. Les deux mains, très délicates et très petites, tiennent des fleurs symboliques, souvent le lotus. Autour des hanches est enroulé un pagne de mousseline brodée, transparente, dont les deux extrémités retombent en plis rigides. Une ceinture à pendeloques serre cette sorte de jupe, voilant la naissance des jambes. Aux chevilles, aux poignets et aux avant-bras sont attachés de gros bracelets ; le cou porte de larges colliers et des chaînes passées en sautoir ; les oreilles sont chargées d’ornemens très lourds sous le poids desquels le lobe s’est fendu et allongé. Le front est cerné d’un bandeau à plusieurs rangs de pierreries, surmonté d’une tiare très haute à trois ou cinq pointes, ou d’une coiffure en plumes.
Dans les encoignures, les Apsaras sont isolées. Sur les larges surfaces, elles se suivent par groupes de deux à cinq et même plus, sans qu’on en trouve deux qui soient identiques ou qui aient exactement la même pose et la même coiffure. Il n’y a que les affreux pieds qui soient semblables. Partout elles sont encadrées de ciselures si délicates qu’elles semblent un voile de dentelle posé sur la pierre. Découpés en feuillages, astragales, figurines, rinceaux et autres, les murs d’Angkor rappellent étrangement le style décoratif de la Renaissance, à ce point que l’on serait tenté de croire, si cela n’était impossible, que nos sculpteurs du XVIe siècle sont venus s’inspirer ici, sans avoir toujours atteint à la finesse et à la variété du ciseau des artistes khmers.
Là où les belles Apsaras sont accessibles, leurs bustes sont polis par le frottement, comme usés par les caresses des passans. Et leurs formes, éternellement jeunes, saillent des murailles ruinées ainsi qu’une procession de vierges du ciel qui aurait été arrêtée pour toujours le long des pierres abandonnées…
Guidé par l’interminable théorie des Apsaras divines, j’étais monté jusqu’en haut du temple sans avoir démêlé l’enchevêtrement de galeries, d’escaliers et de portiques qui s’étagent sur trois énormes gradins. Tout était si grand, si nouveau, si imprévu ! Cherchant toujours la salle, que je rêvais immense, où le peuple devait se réunir pour célébrer les mystères sacrés, j’aboutissais à une petite cella carrée, dissimulée au centre du Préa-Sat, la tour