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eut déposé Ismaïl, le firman du 30 juillet de la même année limita l’autorité du Khédive sur certains points, et ne lui permit plus d’emprunter au dehors sans autorisation préalable du Sultan.

Les rapports de l’Égypte avec la Turquie ont été compliqués, en 1882, par l’occupation anglaise. Un traité, du 24 octobre 1885, entre la Porte et l’Angleterre, avait décidé que deux hauts commissaires, désignés par les deux gouvernemens, examineraient toutes les branches de l’administration égyptienne ; mais la convention de 1887, fruit de leurs travaux, et qui stipule l’évacuation de la vallée du Nil par les Anglais, n’a jamais été ratifiée. D’après la constitution actuelle, le Khédive peut, d’accord avec son ministère, contracter sans le concours d’aucun autre corps de l’État des emprunts publics. Outre ceux-ci, il en avait été émis d’autres pour son domaine privé, la Daïra, ou plutôt les Daïras, car il en a existé plusieurs : la Daïra Sanieh, dont les terres, plantées surtout en canne à sucre, sont situées en grande partie dans la Haute-Égypte ; la Daïra Khassa, comprenant d’autres territoires, et aussi des revenus dérivés de la liste civile ; enfin la Daïra familiale, ayant appartenu aux princes et princesses de la maison khédiviale, à qui Ismaïl avait transféré une partie de ses propres domaines en 1874.

La presque totalité des engagemens de l’Égypte a été contractée avec des étrangers ; les indigènes créanciers du Trésor n’ont guère eu de moyen de faire valoir leurs titres ; lorsqu’ils avaient fourni de l’argent au gouvernement soi-disant à titre de prêt, c’était en réalité une contribution qui était exigée d’eux.

L’Égypte avait vécu sans dette sous Mehemet-Ali, Ibrahim et Abbas. Saïd contracta une dette flottante, conclut, en 1862, le premier emprunt de 3 292 000 livres sterling[1] au taux de 7 pour 100, émis à 82 1/2, et laissa à sa mort un passif de 14 680 000 livres sterling. C’est sous son successeur Ismaïl que les chiffres en atteignirent rapidement une hauteur extraordinaire. De 1862 à 1870, huit emprunts furent contractés au taux de 7 pour 100, à l’exception de celui de 1867, qui le fut à 9 pour 100 : le total en dépassait 68 millions sterling ; les trois derniers, de 1865, 1867 et 1870, étaient des emprunts Daïra. L’État était chargé d’une dette flottante de plus de 19 millions, la Daïra de 3 millions de livres. Au 1er  janvier 1870, l’emprunt 1868 était

  1. La livre sterling vaut 25 francs, 22 centimes.