à Turin ? Les correspondances publiées ne le disent pas, mais on le devine. Sa tâche, du reste, n’est pas ardue, il prêche des convertis. S’il s’élève entre les deux gouvernemens des divergences, elles ne portent que sur des questions de détail et d’opportunité.
La Prusse préoccupe Cavour, surtout depuis la chute de M. de Manteuffel, qu’il avait su s’attacher, et que l’Empereur considérait comme le partisan le plus convaincu de l’alliance française à la cour de Prusse. Voici ce qu’il écrit au comte de Launay, son ministre à Berlin : « Le langage de M. de Schleinitz n’est ni aussi explicite ni aussi favorable que celui de son prédécesseur. On voit que le nouveau cabinet n’éprouve pas pour l’Autriche la même antipathie que le baron de Manteuffel. Les efforts de l’Angleterre ont déjà amené entre les deux puissances allemandes un rapprochement. Cette modification nous cause de l’inquiétude. Renseignez-vous ; vous trouverez, pour l’accomplissement de votre tâche, un auxiliaire dans le représentant de la Russie.
« L’Autriche, après avoir chargé l’archiduc Maximilien de mettre en application des systèmes de réforme, est revenue à ses erreurs. Il en est résulté de l’irritation. Le danger d’une explosion dans le nord de l’Italie grandit. François-Joseph s’en préoccupe ; s’il devait assister à de nouvelles scènes de proscription, son prestige serait détruit. Aussi est-il décidé à faire quelque chose pour l’Italie. Si ses efforts restaient stériles, il tirerait l’épée. Je suis certain que c’est chez lui un parti pris, immuable ; mais quand et comment le mettra-t-il à exécution ? Voilà le secret ! Il allie au plus haut degré la prudence à la ténacité ; il n’abandonne jamais une idée, une fois qu’elle a pénétré dans son cerveau. Mais il la mûrit longtemps, avant de la traduire en faits.
« Notre position est difficile, placés entre les Italiens irrités, impatiens, cherchant à nous compromettre, à nous pousser, et l’empereur Napoléon, secrètement d’accord avec nous. Il hésite quant au temps et aux moyens. Il travaille depuis longtemps à préparer le terrain. Il a fait de grands efforts pour s’assurer la neutralité de l’Angleterre et de la Prusse. Il compte sur les antipathies des Anglais et des Prussiens contre l’Autriche, mais la puissance sur laquelle il compte le plus est la Russie. Il est certain que, la guerre entamée, l’empereur Alexandre se déclarera neutre. Le grand-duc Constantin m’a non seulement répété cette assurance, mais il a ajouté : « Nos vœux les plus ardens seront pour le succès de votre cause. Nous emploierons toute notre