moi qu’il n’y a rien à en espérer, répondit M. Pasolini, effrayé de ce qu’il venait d’entendre[1].
Les amis du comte de Cavour, bien que subjugués par la puissance de son intelligence, se permirent de mettre en doute son sens pratique. Le général La Marmora était un de ceux qui se méfiaient le plus des ardeurs de son imagination. Il avait peine à admettre que Napoléon III voulût sincèrement assurer au roi de Sardaigne l’hégémonie en Italie. Mais M. de Cavour se tenait sûr de son fait ; il prétendait avoir dans son portefeuille de quoi faire marcher Napoléon III. Il possédait en effet des autographes compromettans, imprudemment livrés, et dont, peu galamment, on le verra dans ce récit, il menacera de se servir, dans les momens de crise, lorsque, pris de scrupules, nous chercherions à revenir sur nos pas.
Dans les premiers jours d’août, tous les hommes politiques, à Turin, surent que la France était l’alliée du Piémont ; à Paris, le ministre des Affaires étrangères l’ignorait encore. Le prince Napoléon seul était au courant de ce qui s’était tramé à Plombières. L’Empereur l’avait fait venir à Biarritz pour l’initier à ses desseins et le charger de préparer discrètement avec M. de Cavour un projet de traité. Il devait ensuite se rendre à Varsovie pour demander au tsar la consécration contractuelle des promesses échangées à Stuttgart au mois de septembre 1857.
Cavour y mettait moins de mystère ; ses pensées à lui n’étaient ni flottantes, ni ténébreuses ; il savait ce qu’il voulait. Il ne recommandait le secret à personne, car il s’adressait à des patriotes animés du même souffle, poursuivant le même but. Il marchait résolument, attentif aux moindres bruits, l’œil ouvert sur les moindres incidens. Il préparait son échiquier, et posait ses pions, de façon à gagner la partie, à la fois contre son adversaire et son partenaire. Son activité était prodigieuse ; il se multipliait, travaillant nuit et jour, organisant les services, suivant avec anxiété les péripéties de la politique européenne, les oscillations de l’opinion, dévorant les journaux, donnant des audiences. À peine couché il se relevait, traduisait et chiffrait des dépêches ; loin de se cacher de sa diplomatie, il s’attachait à la renseigner et à la diriger. Il donnait la note à ses agens, plus ou moins sonore, suivant l’importance du rôle qu’il leur assignait. Mais ce
- ↑ Mémoires relatifs à la vie de Joseph Pasolini, par son fils.