grand prix à ne pas être accusé de persécuter une princesse de la famille des Bourbons. »
Tout a marché à souhait dans la première entrevue ; M. de Cavour s’est laissé faire ; on lui a tout offert, nos soldats, notre argent, notre crédit, la totalité de la vallée du Pô et même, à ce qu’il prétend, les États du Pape ; jamais le ministre d’un royaume de quatre millions d’habitans ne s’est vu d’un coup de crayon agrandi de la sorte. Mais lorsque, après le déjeuner, l’Empereur, qui n’a plus rien à offrir, demande timidement ce qu’aura la France et si le Roi ne serait pas disposé à lui céder Nice et la Savoie, l’entretien se refroidit sensiblement. C’est le moment critique, le quart d’heure de Rabelais. M. de Cavour veut bien reconnaître cependant qu’une compensation nous est duc, que nous ne saurions nous prêter à la création d’un grand royaume dans l’Italie du Nord sans nous assurer des garanties militaires. Il n’hésite pas à nous offrir la Savoie. « car, dit-il, Victor-Emmanuel professant le principe des nationalités, il est tout naturel qu’il fasse le sacrifice d’une province française de mœurs et de langue, bien qu’il lui en coûte de renoncer au berceau de sa famille. » Malheureusement il n’en est pas de même pour Nice, qui, par son origine, se rattache plus au Piémont qu’à la France ; nous l’abandonner serait une atteinte au principe que précisément on se propose de faire triompher. Il oublie que le patois du comté de Nice tient au provençal autant qu’à l’italien. L’objection paraît néanmoins frapper l’Empereur ; il n’essaye pas de la réfuter, mais, caressant fébrilement ses moustaches, il dit que la question est secondaire et qu’on aura tout le temps d’y revenir.
Les préliminaires posés, on a discuté le plan de campagne. Après plusieurs combinaisons, proposées par le ministre, on est convenu que la guerre s’engagera sur la question de Massa-Carrara. On cherchera noise au duc de Modène, qui, s’appuyant sur ses traités secrets, invoquera naturellement l’intervention de l’Autriche, et le prétexte sera ainsi tout trouvé. Il faudra, bien entendu. procéder avec une extrême circonspection, ne pas effrayer les puissances, et surtout chauffer l’opinion publique en Angleterre. L’Empereur est plein de confiance au sujet de l’attitude éventuelle puissances ; il compte absolument sur la Russie, il a des promesses formelles-t réitérées de l’empereur Alexandre, et il ne doute pas de la neutralité de la Prusse, en raison de l’antipathie du prince-régent pour l’Autriche.