Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 151.djvu/556

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rien de ce qui peut en assurer le succès final, J’ai quitté Plombières avec la plus grande sérénité d’esprit. Si le Roi consent au mariage, j’ai la confiance, et je dirai presque la certitude, qu’avant deux ans, tu entreras à Vienne à la tête de nos troupes victorieuses.

« Toutefois, pour m’assurer si l’Empereur ne se faisait pas d’illusion sur l’attitude éventuelle des grandes puissances, je suis venu à Baden où se trouvent réunis des rois, des princes et des ministres de tous pays. J’ai été bien inspiré, puisqu’en moins de vingt-quatre heures, je me suis entretenu avec le roi de Wurtemberg, le prince royal de Prusse, la grande-duchesse Hélène, le baron de Manteuffel et plusieurs diplomates russes et allemands. Si je m’en tiens à ce que m’ont dit la grande-duchesse et un Russe fort avisé, on pourrait compter sur la coopération armée de la Russie. La grande-duchesse va jusqu’à dire que, si la France s’alliait au Piémont, la nation russe contraindrait son gouvernement a se joindre à nous. « Si vous avez à vos côtés, m’a dit M. X…, un chasseur de Vincennes, comptez que, de l’autre, vous aurez un soldat de notre garde. »

« Quant à la Prusse, je crois, bien qu’elle ressente une grande antipathie pour l’Autriche, qu’elle restera hésitante et incertaine jusqu’à ce que les événemens la poussent irrésistiblement à prendre part à la lutte. Je n’ai plus le temps de continuer. Mais ce que je viens de dire te prouvera que je n’ai pas perdu mon temps, et que mon voyage ne peut pas compter pour des vacances. Adieu, j’espère toujours te voir à la frontière. »


VI. — LE RAPPORT DU COMTE DE CAVOUR À VICTOR-EMMANUEL SUR L’ENTREVUE DE PLOMBIÈRES

Ce fut sur la table d’une auberge que le comte de Cavour rendit compte à son roi de ses longs entretiens avec, Napoléon III. Son rapport est une amplification de la lettre qu’on vient de lire. Bien que volumineux, il a dû être écourté, car il ne comprend qu’une vingtaine de pages, au lieu des quarante annoncées au général La Marmora.

Les questions les plus importantes, sauf celle du mariage du prince Napoléon avec la princesse Clotilde, n’y sont traitées que sommairement. La curiosité est vivement excitée sans être pleinement satisfaite. On a peine à croire que l’Empereur ait fait aussi