que nous n’avions pas tort d’affirmer que cette publication n’était pas le résultat d’une indiscrétion, mais bien le fait d’une intime entente du cabinet de Turin avec celui de Paris. »
Le secret de l’entrevue si savamment combinée, vingt-quatre après, était celui de la comédie.
M. de Cavour, en arrivant à Baden, fut servi à souhait ; il y trouva le prince de Prusse, qui allait être proclamé régent[1] ; le baron de Manteuffel, dont il avait fait la conquête au Congrès de Paris ; le roi de Wurtemberg, ce Nestor des souverains ; et la grande-duchesse Hélène, une Egérie politique. Un essaim de diplomates les entourait : on eût dit un congrès réuni tout exprès pour lui permettre d’exposer ses idées et de mesurer l’animosité qu’un chacun portait à l’Autriche. « La susceptibilité de ses nerfs et l’activité de son imagination le portaient à entrer en sympathie avec les émotions d’autrui[2] » : il n’eut pas de peine à sympathiser avec celles des Russes et des Prussiens, qui ne les dissimulaient pas ; les premiers se souvenaient de la guerre de Crimée ; les seconds se rappelaient Olmütz. Il releva des amertumes mal contenues dans le langage du régent ; il eut la satisfaction de constater que les entours du prince, malgré leurs divisions, caressaient ses préventions. « Tous, écrivait M. de Cavour à M. de Villamarina, M. de Manteuffel, les libéraux et les féodaux, laissent percevoir des velléités d’agrandissement en Allemagne, et tous se montrent plus ou moins favorables à l’Italie. »
M. de Cavour n’avait pas perdu son temps. Ses jalons étaient posés, il tenait l’alliance française et ne mettait plus en doute l’assistance diplomatique de la Russie et l’impassibilité éventuelle et calculée de la Prusse.
Avant de quitter la vallée d’Oos, il résuma en quelques pages rapides, en date du 24 juillet, adressées à son ami le général Alphonse La Marmora, ses arrangemens avec Napoléon III et entretiens avec les personnages de marque rencontrés à Baden. « J’ai écrit au Roi, disait-il, une très longue relation (40 pages environ) sur le résultat de mes conférences avec l’Empereur, que j’expédierai à Turin par un attaché à la légation de S. M. à Berne. Je désire que le Roi te la fasse lire, car il me semble qu’elle résume tout ce que l’Empereur m’a dit de notable dans des conversations qui n’ont pas duré moins de huit heures. Voici grosso