théâtre de M. Brieux. L’auteur du Berceau a été jadis journaliste, et, sauf erreur, il a d’abord exercé son métier en province. En débarquant à Paris, il a pu constater de quelle considération jouissent dans notre ville les auteurs dramatiques. Intelligent et entreprenant, il a pensé qu’il pourrait faire du théâtre aussi bien que d’autres, et la vérité est qu’il en a fait mieux que beaucoup d’autres. Mais il a transporté dans son nouveau métier les procédés de l’ancien. Le journaliste, obligé par devoir professionnel d’assister au spectacle quotidien, jette de tous côtés un regard rapidement averti. Il traite tour à tour, à mesure qu’ils se présentent, tous les sujets ; et il est impossible qu’il soit tour à tour et sur tous pareillement compétent. Mais d’abord il se documente, il consulte ceux qui font autorité et, au besoin, il les cite, sans pouvoir ordonner très rigoureusement, ni mûrir cette érudition qu’il faut sans cesse renouveler. En outre, avec de l’habitude et du talent, il arrive à apercevoir sur chaque sujet quelques idées très simples, très sommaires, qui se présentent aussitôt à un homme de bon sens. Il leur donne un tour moral, sans s’emprisonner dans aucun système, mais en se référant à cette morale des honnêtes gens, pareille à la religion des braves gens, et qui réconcilie d’autant mieux toutes les opinions qu’aucun article n’en est défini. Pressé par le temps, il écrit dans un style qui est un continuel à-peu-près. Mais l’important est de se faire comprendre : on sait d’ailleurs comment lisent les gens, et qu’un article de journal n’est pas un monument pour durer. Ce métier de journaliste est intéressant, captivant, et il a tôt fait de façonner son homme ; on y contracte des habitudes dont on reste ensuite le prisonnier. « Le journalisme mène à tout, à condition qu’on en sorte, » disait un homme d’esprit. Ce qu’il se gardait bien d’ajouter, et qui pourtant a son importance, c’est qu’on n’en sort pas.
Mme Bartet, quoique un peu nerveuse, et M. Worms, quoique un peu sombre, sont excellens dans le Berceau.
RENE DOUMIC.