Passe encore pour la grosse plaisanterie ; le malheur est que la plaisanterie se fait ici trop souvent brutale. « Voyons, vous qui avez beaucoup de succès auprès des femmes, de tous les genres de femmes. — Je vous en prie. — Si, si, c’est de notoriété… Aimez-vous mieux ces demoiselles ou les femmes du monde ? — Mon cher, comme maîtresses les grues sont toujours plus agréables, les femmes du monde sont en général plus intéressantes ; c’est tout ce que l’on peut dire… » « C’est un mufle. — Le royaume des femmes est à lui… » « Le mari va retrouver une cocotte, la femme se fait reconduire par un gigolo… » Ce sont des termes que le « boulevard » a empruntés aux boulevards extérieurs. D’autres fois l’idiome spécial que parlent les acteurs nous arrive avec des airs de langue étrangère. « Mme Sourette n’existe pas auprès d’une femme comme vous : d’abord elle n’est pas très intelligente. — Oui, mais elle est roublarde. — Allons donc ! Vous la vendriez cent fois. — Elle n’a pas besoin de moi, elle se vend bien toute seule. Oui, je suis tout de même plus maligne qu’elle, et pour m’avoir, il faudrait qu’elle se lève rudement de bonne heure et même qu’elle ne se couche pas… » Parle-t-on ainsi dans les salons ou dans les ateliers ? Je l’ignore. Et j’avoue, à ma honte, que je n’arrive pas à comprendre ce langage sans un effort de traduction et que même ainsi je crains de n’en pas saisir tout à fait le sens, puisque la grâce m’en échappe. Un mélange de vulgarité facile et de recherche, d’obscurité presque inintelligible et de brutalité trop claire, voilà ce qui semble caractériser l’esprit parisien : c’est ce qui le distingue de l’esprit.
Georgette Lemeunier est bien jouée par Mme Réjane, MM. Guitry et Huguenet.
Il y a longtemps qu’on attendait une pièce sur le divorce, c’est-à-dire contre lui. Le théâtre, ayant jadis réclamé avec la violence que l’on sait contre le mariage indissoluble, devait être amené par la suite à faire contre le divorce une campagne analogue. La cause n’en est pas à l’instabilité de sa morale et à la diversité de ses opinions successives. Mais il est de l’essence du théâtre de ne toucher aux institutions que pour en faire la critique, en signaler tantôt les lacunes et tantôt les abus, et dénoncer les plaies de la société. Le divorce, à la façon dont il est pratiqué aujourd’hui, est une de ces plaies. Législateurs, magistrats, moralistes, tout le monde s’accorde à le reconnaître. Toutes les conséquences fâcheuses que prévoyaient jadis les ennemis de la loi se sont réalisées et l’événement a passé toutes les craintes. Nous sommes nerveux en France et nous avons la tête près du bonnet ; nous agissons