s’emparer du fou, le remplacer par un autre gardien. Parfois, l’impression première est si forte qu’elle désorganise tout de suite le nouveau venu. Un gardien du Grand-Léjon, qui avait pris, la veille, possession de son poste, affolé par la surexcitation de cette vie cellulaire et plus encore par l’effroyable bruit qu’il entendait dans la lanterne, par les coups de vent qui secouaient le phare, entre-choquaient les bidons, les verres, ne put résister à cet ébranlement : il démissionna aussitôt, revint à terre. Il tient aujourd’hui une auberge sur le port, à Lézardrieux.
Par beau temps, l’été, quand le rocher découvre, l’homme dans la pêche trouve une occupation. Les parages autour des Isolés sont généralement poissonneux ; mais la pêche, toute barque étant interdite aux gardiens, ne peut se faire que du rocher, à la ligne, avec des casiers et des nasses. Le poisson pris sert à varier l’ordinaire. On le met en réserve, quand il surabonde, dans des viviers naturels pour lesquels on utilise les anfractuosités des rochers et qu’on recouvre de planches à claire-voie. En quelques phares, comme les Héaux, la pêche se pratique à mer haute : on ceint les soubassemens d’une grosse corde d’où pendent des ficelles avec des hameçons amorcés ; à mer basse, les poissons capturés font une guirlande autour du phare. Il arrive aussi qu’au printemps et à l’automne, lors des « passages, » la plate-forme du phare est toute jonchée de cadavres d’oiseaux. L’éclat du foyer les attire. On a remarqué cependant qu’ils évitaient les secteurs rouges ; la position des vents, l’état atmosphérique influent également sur leur direction. Dans la Manche, c’est quand les vents ont tendance à « haler » sur le nord-est et sur l’est qu’on prend le plus d’oiseaux autour des phares ; dans la Méditerranée, c’est surtout par les vents de sud. Il n’est pas rare qu’on trouve ainsi au pied du phare, les lendemains de tempête, jusqu’à cinq et six cents oiseaux : merles, grives, pigeons, cailles, etc. L’élan qui les emporte contre la flamme, la force du choc, la grosseur de certains de ces volatiles, ont causé plus d’un accident. En une seule nuit, par exemple, les neuf glaces du phare Ferret furent mises en morceaux. Au phare de Bréhat, une bernache, après avoir traversé la vitre, creva encore deux cours de miroir et s’abattit sur la lampe ; à Planier, un vol de flamans, de ses becs aigus, fit une crémaillère d’un des secteurs. L’administration, presque partout, a dû poser des grillages autour des foyers : les oiseaux s’y prennent comme aux mailles d’un filet. Le