charnière lumineuse finit elle-même par s’effacer ; vienne le crépuscule ou la brume, le ciel et la mer soudent leurs deux hémisphères ; on ne les distingue plus l’un de l’autre ; l’œil tâtonne dans des limbes blafards, un champ d’ombre d’une infinie tristesse. Ou bien le vent fraîchit : de la grande cuve équatoriale une houle monte, approche, remplit la moitié du ciel. Gonflée de toute l’amplitude des quinze cents lieues qu’elle vient de traverser sans arrêt ni heurt, elle balayerait le phare d’un seul coup, si la convexité des assises ne changeait son choc en glissement. Il a fallu que les besoins de la navigation devinssent bien impérieux, pour qu’on tentât de faire servir les Isolés à l’éclairage des côtes. Mais l’expérience a montré que c’était la position du littoral, et non pas seulement les entrées des ports et les embouchures des fleuves, qu’il importait de signaler aux navigateurs. Or, le littoral présente une série de caps, d’îlots et de bancs diversement accentués « qui peuvent être considérés comme les sommets d’un polygone circonscrit à tous les écueils, et l’on a placé un feu sur chacun, de manière à annoncer la terre aussi loin que le permet la puissance des appareils. » Les feux de cette sorte sont dits de grand atterrage, et beaucoup d’entre eux sont construits sur des Isolés de haute mer. Des feux de moindre importance signalent, à l’entrée des baies, les Isolés plus rapprochés du continent et compris, par leur situation, dans la zone des feux de grand atterrage. Ces Isolés, qui sont en très grand nombre dans la Manche et l’Océan, reçoivent généralement trois gardiens permanens pour les phares de premier ordre, deux pour les autres, un seul quelquefois pour les feux d’alignement ou qu’un étroit chenal sépare de la terre ferme. La durée du séjour dans les Isolés varie d’après les règlemens administratifs : au phare de la Croix, par exemple, où il n’y a qu’un seul gardien, la relève est faite tous les quinze jours ; aux Triagoz, où il y a deux gardiens, tous les trente jours ; aux Roches-Douvres, où il y a trois gardiens, tous les quarante-cinq jours ; à Planier, où il y a six gardiens, tous les cinquante jours. La durée du congé à terre est elle-même en proportion de la longueur du séjour dans le phare.
C’est au baliseur des ponts et chaussées qu’est confiée, dans la plupart des départemens, la relève des Isolés de haute mer. Ce navire transporte, à l’aller, le gardien dont le congé a pris fin et qui va remplacer celui dont c’est le tour de descendre à terre. L’homme fait visiter d’abord sa « cantine, » grand panier en bois