forgé, type analogue à ceux de l’embouchure de l’Ebre et de Pater-Noster (Suède). Les difficultés de l’accostage expliquent cette surélévation de la main-d’œuvre. « Plus d’une fois, écrivait M. Vivian, conducteur des ponts et chaussées à Cayenne, il a fallu, pour établir un va-et-vient de débarquement, que des hommes robustes et courageux se missent résolument à la mer et portassent une amarre à la nage. Le risque d’être brisé sur les rochers n’était pas le moindre, car, comme à la barre du Sénégal, les squales abondent dans ces parages. Le ressac et les remous rendaient la navigation très pénible ; plus d’un de nos hommes en sortit blessé, et tous y ont joué leur vie. »
Là, comme ailleurs, à force de patience, de foi tenace chez nos ingénieurs, de dévouement dans le personnel des ponts et chaussées, on triompha des obstacles. Mais où ce dévouement et cette foi furent vraiment mis à l’épreuve comme ils ne l’avaient jamais encore été, ce fut pour la construction du phare d’Armen. Armen, Madiou et Schomeur sont trois roches extrêmes de la chaussée de Sein. Les courans y portent à raison de neuf nœuds à l’heure et, par surcroît, ce sont des courans de dérive. Madiou et Schomeur découvrent à peine, même au bas de l’eau ; d’Armen on voit confusément une sorte de tête camuse, de mufle aplati et blafard qui plonge et qui reparaît entre les lames. Ce qui s’est perdu de navires sur Schomeur, sur Madiou et sur Armen est incalculable. Ces trois bandits de la mer, à la pointe avancée du vieux continent, s’entendaient, dans une association ténébreuse, pour les plus sombres assassinats. Comme le fameux écueil des Hanois et plus encore que lui, ils ont fait, pendant des siècles, « toutes les mauvaises actions que peut faire un rocher. » Le lit de la mer autour d’eux est un vaste cimetière ; c’est le nom que lui donnent toujours les pêcheurs de Sein : ar Veret. L’idée de placer là un phare, de sceller un flambeau sur ce trio d’assassins, fut souvent agitée. On reculait devant la difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité de l’entreprise. Les études furent commencées cependant ; l’exécution décidée (1867), mais on n’osait croire à son succès. « Dès qu’il y avait chance d’accoster, raconte un des ingénieurs qui conduisaient les travaux, on voyait accourir des bateaux de pêche. Deux hommes de chacun d’eux descendaient sur la roche, munis de leur ceinture de sauvetage, se couchaient sur elle, s’y cramponnant d’une main, tenant de l’autre un fleuret ou un marteau et travaillant avec une activité fébrile, incessamment cou-