vivres furent rationnés, fournis par une cantine sévèrement tenue. Chaque matin, les hamacs étaient exposés à l’air ; chaque semaine, les logemens étaient blanchis à la chaux ; chaque semaine aussi, les hommes devaient prendre un bain. Mais, plus encore qu’avec la maladie, il fallait compter avec la mer. On ne pouvait travailler qu’aux dernières heures du jusant. Le flot était annoncé par une cloche. Précaution justifiée, tant sa surprise est brusque ! Le flot, sur ce point, en six heures, fait monter la mer de quarante pieds. Bien souvent les retardataires faillirent être noyés. L’événement le plus grave se passa au commencement de la campagne de 1863 : mâts de charge et treuils étaient en place et l’on se préparait à poser la première pierre, quand un coup de mer balaya tout, emporta quatre ouvriers, blessa les autres. Les marins, qui n’avaient jamais cru à la possibilité des travaux, hochaient la tête. La ténacité des ingénieurs fut plus forte : les travaux reprirent. L’érection de la partie sous-marine de la construction, en massif plein, put être achevée. On avait désormais une base stable, et, sur cette base, la svelte et fine colonne se dressa tout d’une pièce à quarante-huit mètres de haut. Cette unité extraordinaire pour le temps avait été obtenue au moyen de granits taillés et encastrés l’un dans l’autre ; chaque pierre mord dans les pierres qui l’entourent : le phare n’est ainsi qu’un bloc unique. Et s’il arrive que, dans les grandes tempêtes, ce bloc oscille, tangue comme un navire à la lame, si les vases à huile présentent quelquefois, dans la lanterne, une variation de plus d’un pouce, d’où M. de Quatrefages concluait un peu légèrement que le sommet de la tour décrit alors un arc de près d’un mètre d’étendue, cette flexibilité n’a rien d’inquiétant et semblerait plutôt un gage de durée. La même oscillation se retrouve dans certains phares en tôle, dont les meilleurs types sont à la Nouvelle-Calédonie et aux Roches-Douvres, et qui ont à peu près la hauteur des Héaux. Ces phares reposent sur un massif plein de quatre mètres d’élévation et de onze mètres de diamètre. On pensait que leur construction serait moins onéreuse, moins pénible aussi, que celle des phares en granit. L’expérience a démontré le contraire. C’est ainsi qu’aux Roches-Douvres, le transport et le montage des pièces du phare ont coûté plus cher que le phare (262 000 francs contre 258 000). Même déception à la Guyane, où l’on essayait un autre type de phare en tôle, avec tube central et piliers extérieurs de petit diamètre reliés entre eux par des entretoises et des tirans en fer
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