et proclamé sa propre indépendance, d’accord (à ce que disent des lettres de l’Erythrée) avec te ras Mikhaël et le ras Olié, peut-être aussi avec Tekla Haimanot, negus du Godjam. Toutefois il n’est pas probable qu’on en vienne à couteaux tirés, car, dans les guerres intestines d’Abyssinie, on entre souvent en arrangement avant de se battre ; et, dans les circonstances présentes, l’empereur Ménélik peut jouer en vérité le rôle du lion. Ordinairement les camps sont dressés front à front ; on étudie réciproquement ses forces ; on cherche quels amis on peut bien avoir dans le camp ennemi, cependant que le clergé se démène et va de l’un à l’autre pour empêcher l’effusion du sang chrétien. Et qui se sent le plus faible, qui redoute des défections, celui-là fait acte de soumission d’autant plus humble que son attitude avait été auparavant plus superbe ; acte qui consiste à se présentera son rival et à se prosterner devant lui avec une grosse pierre sur le cou, en lui jurant une éternelle obéissance. Et ce n’est point un fait extraordinaire que, dès le lendemain, amis et ennemis marchent ensemble contre un troisième ennemi commun.
Si l’on veut bien se reporter à mes Mémoires d’Afrique, on se fera aisément une idée de cette politique abyssine, et l’on n’aura pas de peine à se convaincre de la parfaite vanité des réceptions, conventions et négociations avec la cour d’Addis-Ababa, auxquelles les voyageurs-diplomates italiens et français attribuaient jadis une si grande efficacité.
En premier lieu, à la cour d’Addis-Ababa, suivant les circonstances et la situation du moment, prévalent des courans divers ; mais aucun de ces courans n’est favorable aux blancs, parce que tous les Amhara sont unanimes dans la crainte que les blancs (Français, Anglais, Italiens ou Russes) ne veuillent envahir l’Abyssinie. Les formules de politesse, les grands saluts et les belles promesses, outre qu’elles sont habituelles aux Abyssins, ne servent qu’à masquer les desseins hostiles. L’Abyssin n’a pas la réflexion profonde ; mais il est fin et compliqué dans les combinaisons et les intrigues, qu’il excelle à conduire tortueusement avec une surprenante habileté. Au demeurant, point n’est besoin de connaître à fond la politique choane pour voir comment elle se propose de paralyser l’influence des États européens, en entretenant, entre leurs représentans plus ou moins reconnus, les haines et les jalousies.
Mais, à supposer même que l’empereur Menélik veuille se mettre