tenir, d’organiser et d’exploiter tout le Soudan et toute la vallée équatoriale du Nil, ainsi eût-il été relativement facile aux Français d’organiser le territoire des Gazelles et de Fachoda. Et, de la sorte, les Français non seulement auraient coupé la route aux Anglais, les réduisant à la suzeraineté sur le Sennaar et Khartoum, mais encore ils auraient eu probablement part essentielle à la solution de la question abyssine, qui doit être particulièrement à cœur au peuple qui possède le Soudan.
Aussi comprend-on que l’Angleterre fût résolue à tout, même à une guerre terrible, et que cette guerre fût populaire au-delà de la Manche, indépendamment de toute considération de droit, et plutôt que de consentir au double dommage matériel et moral dont il y allait pour elle. Le droit, en Afrique, est très élastique, parce qu’il y manque le fondement de tout droit : tout y dépend de la force, des convenances, des accords réciproques des États européens, au fur et à mesure que s’étendent les conquêtes effectives, ou selon que le commandent les nécessités du moment.
La République française a cru devoir céder, évitant par là un conflit qui eût détourné la nation d’autres aspirations et d’autres intérêts d’un ordre moral très supérieur, et qui eût probablement allumé une conflagration universelle. Mais d’autres questions, semblables à celle de Fachoda, surgiront dans cette même région africaine, du fait même de l’occupation du bassin supérieur du Nil : « N’ayez pas trop peur de la France, disait, il y a quelques années, le prince de Bismarck aux Allemands ; l’Angleterre se chargera de nos affaires, parce que, avant longtemps, ici ou là, en quelque point du globe, l’Angleterre se rencontrera avec la France et entrera en conflit avec elle. » Et beaucoup d’Allemands ne se font pas faute de croire que l’Angleterre rend ainsi indirectement plus de services à l’Allemagne que ne lui en procure directement la Triple Alliance.
Dans la marche qui remonte le Nil Blanc, ay sud de Fachoda, par-delà le Sobat, les Anglais arriveront nécessairement à Lado, à Redjaf, à Doufilé, à Ouadelaï. Ce sont d’anciens postes égyptiens, échelonnés le long du Nil Blanc jusqu’au lac Albert, afin de tenir en respect le pays et d’encourager le commerce. D’accord avec l’Angleterre, l’État libre du Congo, il y a quelque temps, les a occupés ; et même les journaux assurent que Redjaf a une garnison de 3 000 hommes de couleur commandés par des blancs. Mais il est peu probable qu’à présent, l’Angleterre s’en tienne à