distingués par leurs services, mais surtout aux jongleurs, que nous voyons pulluler de bonne heure dans les cours méridionales, et qui nous apparaissent, dans d’innombrables textes, comme les ornemens obligés des festins et des réunions mondaines. Qui donc étaient ces amuseurs publics ? D’où venaient-ils ? Comment avaient-ils réussi à se faire dans la société une si large place ?
Plus heureux ici que dans l’histoire même de la poésie, nous saisissons l’anneau qui rattache le moyen âge à l’antiquité. Les jongleurs sont certainement les successeurs directs de ces mimi, de ces histriones, qui apparaissent fréquemment dans les textes, à partir du IIe ou IIIe siècle. Sous l’Empire, il était d’usage que les grands seigneurs fissent venir, pour égayer leurs repas, non seulement, comme jadis, des joueurs de flûte, mais des baladins chargés de divertir les convives par des tours de force ou d’adresse. Il est probable que ceux-ci, élargissant le cercle de leurs anciennes attributions, se mirent bientôt à jouer de petites scènes, ou, quand ils opéraient seuls, à réciter des sortes de monologues : c’est du moins ce que semblent indiquer les mots de scenicus, histrio, synonymes, chez Pétrone, de mimus ; en effet, quand le théâtre eut définitivement succombé sous les anathèmes de l’Église, c’était une précieuse ressource pour les acteurs dépossédés de leur public que d’aller opérer à domicile. Avoir le théâtre chez soi paraissait, d’autre part, aux patriciens une des formes les plus raffinées du luxe.
Partout où se répandit la civilisation romaine, en Espagne, en Afrique et bientôt en Gaule, nous trouvons des mimes. Saint Augustin s’élève contre la coutume de leur distribuer des présens et contre l’opinion qui voyait là une honorable générosité. Vers le milieu du Ve siècle, Théodoric II avait à Toulouse des histrions ; dans les repas solennels, ils se livraient à des exercices de chorégraphie, formaient des tableaux vivans, ou débitaient des plaisanteries : « Au souper, nous dit Sidoine, qui nous fait connaître ces détails, les mimes sont admis, rarement toutefois, et sans risque pour les convives d’être atteints par leurs propos mor-dans. » Nous avons une lettre de Cassiodore annonçant à Clovis la prochaine arrivée d’un mime, que le roi franc faisait venir d’Italie. À mesure que l’on s’approche du moyen âge proprement dit, les textes concernant les jongleurs deviennent de plus en plus nombreux ; on remarquera que, dans ceux que nous allons citer, il est plusieurs fois question d’exercices littéraires. Ces exercices