cesse ses faveurs, et, si bien qu’il les équilibre, il ne calmera pas les inquiétudes des zèles ennemis. Toutes les fois que les catholiques allemands seront effrayés par les progrès des luthériens allemands, toutes les fois que ces Allemands se sentiront vaincus par le prosélytisme de leurs compatriotes catholiques, ils croiront sentir la main de l’Empereur ; ils accuseront, quoi qu’il fasse, sa partialité ; toutes leurs déconvenues, toutes leurs fautes se changeront en griefs contre lui. Les deux protectorats adverses qu’il lui faudra également soutenir se neutraliseront en somme. Mais s’ils demeurent stériles au dehors, leurs rivalités auront leur contre-coup jusque dans les affaires intérieures de l’Empire. Et peut-être un jour, si les piétistes et le centre, en leurs ardeurs ennemies, prétendent faire acheter à l’Empereur leur concours politique par son aide religieuse, comprendra-t-il que ce n’est pas toujours, même pour un empereur, une œuvre facile que de faire entendre raison à la foi.
Le protectorat religieux de l’Allemagne sera entravé non seulement parce qu’elle manque d’unité confessionnelle, mais parce que là ni protestans ni catholiques ne possèdent le don essentiel à l’influence religieuse, le don de l’apostolat. La race germanique est une race puissante, mais « oncques à tous toutes grâces ne furent données. » Même dans les affaires divines elle garde le caractère qu’elle porte dans les affaires humaines, elle songe à elle-même. La manifestation religieuse la plus puissante de l’Allemagne est la réforme : par la réforme elle a changé son culte, elle ne l’a pas étendu. Son grand acte est une séparation, non une conquête. De toutes les races protestantes, elle est celle qui, depuis Luther à l’heure où nous sommes, a consacré le moins d’efforts au prosélytisme. Et comme elle est de toutes aussi la plus raisonnante, qu’elle dépense son activité en théories contentieuses, et que dans ces disputes son christianisme laisse de plus en plus échapper le divin, il n’est pas probable que dans l’avenir le zèle protestant multiplie davantage ses œuvres. Et l’inaptitude originelle du protestantisme à grouper ses efforts vînt-elle à disparaître, ce n’est pas l’Allemagne qui semble en état de disputer l’hégémonie à l’Angleterre ou aux États-Unis. Les catholiques ont une vie autrement puissante ; personne ne saurait contester qu’ils aient donné depuis quarante ans ces preuves d’une renaissance admirable. Mais ici encore il est facile de reconnaître l’influence de la race dans l’épanouissement de certaines vertus religieuses et dans la pauvreté de