suite de discours officiels. Celui de l’Empereur importait seul. Le souverain, pour le prononcer, est monté à l’autel, puis, se retournant, a lu sa harangue sur un texte imprimé à Berlin ; curieuse précaution d’un prince orateur. D’ordinaire, plus les paroles des souverains sont pesées, moins leurs harangues comptent. Mais l’éloquence officielle cesse d’être banale dans cette bouche, et il met, même à rendre insignifiantes ses paroles, un art si personnel, qu’à l’écouter, si l’on n’apprend rien sur ses desseins, on s’instruit toujours sur son caractère. L’idée maîtresse du discours est dans cette phrase superbe, doublement superbe par la beauté et par l’orgueil : « Je viens au nom de ma maison et en mon nom, renouveler ici notre serment de fidélité à l’Eternel. » N’est-ce pas une lueur d’âme ? N’éclaire-t-elle pas tous les sentimens qui hier, à la colline des Oliviers, mettaient une ombre sur ce front d’Empereur ? Entre les Hohenzollern et Dieu, il y a rapport de feudataires à suzerain, obligations réciproques, hiérarchie volontairement reconnue et tempérée d’indépendance. Voilà la cérémonie de foi et hommage où apparaît, égale au droit du maître, la dignité du vassal.
Le reste est d’une fierté moins féodale et plus chrétienne. Qu’on n’attribue ce voyage ni à la curiosité vaine, ni à l’intérêt matériel, ni à l’ambition politique : la foi l’a seule décidé. Elle inspire à Guillaume le vœu que les hommes, au lieu de s’obstiner dans des dissidences secondaires, se sentent enfin unis par les enseignemens de leur commun Sauveur, et que, mettant en pratique la plus constante de ses leçons, ils gardent entre les peuples la paix. Rien de plus noble que ces vœux et de plus opportun que leur expression. Quand ceux qui souhaitent peuvent ce qu’ils désirent, leurs souhaits deviennent des promesses. Si l’empereur du protestantisme n’est pas le maître de ramener dans les âmes l’unité des croyances, le chef militaire de l’Allemagne est le maître de déchaîner ou de prévenir la guerre dans le monde. Puisse-t-il se rappeler à Berlin les paroles de Jérusalem !
La cérémonie a pris fin par le choral de Luther. Tantôt porté par l’orgue, et tantôt par les voix, il nous arrive sur la terrasse, et ce chant de foi nous émeut d’abord par sa fermeté grave et son ampleur triomphale. Mais le sublime, dit Longin, doit être court ; et le choral reprend tant de fois sa phrase qu’il finit par nous paraître long. Dans l’édifice beaucoup pensent de même, et,