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En Europe ou en Amérique, comme il n’y a pour l’État fondé sur le suffrage universel aucun moyen de rétrograder vers une forme à base moins large, il n’y a pour lui aucun moyen de se refuser à légiférer de plus en plus sur le travail, c’est-à-dire, en n’épiloguant pas et en parlant tout net, à organiser légalement le travail, ainsi qu’à d’autres époques, et sous une autre forme, il a organisé légalement la propriété.

Mais, si le travail est désormais et doit être chaque jour davantage la plus abondante et la plus importante des matières de législation, il en est aussi la plus complexe, tant en lui-même que par la multitude et l’extrême variété des questions de sécurité, d’hygiène, de prévoyance et d’assistance qui en dépendent. Or, cette matière étant à ce point complexe, ces questions étant si nombreuses et si variées, pour que la législation du travail soit éclairée et efficace, il faut que l’on sache où en recueillir et comment en disposer les élémens. À cette difficile besogne ne sauraient suffire des procédés grossiers, rudimentaires, purement empiriques, et l’outillage gouvernemental ne peut demeurer trop en retard sur l’outillage industriel : c’est donc le cas de faire servir les statistiques à autre chose qu’à exercer l’ingéniosité de ceux qui les dressent et à amuser la curiosité de ceux qui les lisent. En un mot, par le fait même que la législation du travail est et sera de plus en plus une fonction essentielle de l’État, pour