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dans le fonctionnement de toutes les parties, les perturbations provoquées par la cocaïne. On a noté toutes les modifications du cœur, de la respiration, du foie, de la digestion, de la composition du sang, des sécrétions, du jeu des muscles. Il n’est pas une altération, fût-ce la plus infime, qui n’ait été poursuivie et dépistée. Ce sont des détails que nous n’avons pas à considérer, parce qu’ils ne sont pas essentiels à notre objet. Nous nous contentons de signaler l’élévation de la température centrale du corps. On l’a vue monter de deux degrés, de 38° à 40°, chez des animaux cocaïnisés que l’on avait mis par une injection préalable de curare dans l’impossibilité d’exécuter aucun mouvement. L’échauffement n’est donc pas la conséquence de l’agitation et de la contraction des muscles : il est essentiel, primitif. D’autre part, le refroidissement que l’on constate en touchant la peau pâle et exsangue des sujets cocaïnisés est purement périphérique ; le foyer intérieur n’est pas devenu moins actif.

Disons enfin, — car les remarques instructives ne manquent pas à l’occasion de ces observations qu’il nous faut négliger, — que l’action de la cocaïne sur le sens du goût a permis une analyse très pénétrante des diverses espèces de sensibilité. Il est vrai que cette action ne s’observe pas dans le cas où la cocaïne est administrée à l’intérieur ; il faut appliquer la solution directement sur la langue. On voit alors les sensibilités s’évanouir l’une après l’autre. C’est d’abord la sensibilité à la douleur qui est supprimée : puis on constate la disparition du goût de l’amer, et successivement du goût du sucré, du goût du salé, du goût de l’acide, et enfin de la perception tactile, qui a résisté le plus longtemps. On perçoit clairement la pointe d’une épingle alors que l’on ne sent point la douleur de la piqûre : on discerne nettement deux piqûres faites à 1 millimètre de distance en tant que sensations tactiles non douloureuses. La sensibilité tactile disparaît enfin ; la sensibilité thermique subsiste seule.

Il faut, nous le répétons, négliger tous ces faits plus ou moins dignes d’intérêt et en revenir aux trois phénomènes fondamentaux par lesquels se traduit plus particulièrement l’influence cocaïnique : l’agitation, la constriction vasculaire et l’insensibilisation. Ils sont d’origine nerveuse.