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a substitué pour beaucoup d’opérations la cocaïne aux anesthésiques généraux, le chloroforme et l’éther.

Telle est l’histoire abrégée de la manière dont la cocaïne s’est installée en médecine.

Cette extension rapide des usages de la cocaïne a amené une extension correspondante de la culture de la plante qui la fournit. Et en effet, l’exploitation s’en est singulièrement développée dans les deux régions du globe qui lui sont favorables. C’est d’abord l’Amérique du Sud avec la Colombie, la Jamaïque, mais surtout le Pérou et la Bolivie, qui sont sa patrie d’origine. Dans ces deux derniers pays, la production annuelle atteint, en feuilles de coca, plus de 25 millions de kilogrammes. La plante est encore cultivée abondamment en Asie, à Java, à Ceylan et dans les Indes anglaises. C’est un arbrisseau dont la tige est recouverte d’une écorce blanchâtre tandis que les branches, rugueuses, rougeâtres et souvent épineuses, portent des feuilles vertes et lustrées.

Il en existe diverses variétés. La plus avantageuse (Erythroxylon peruvianum) est celle qui est la plus répandue au Pérou et en Bolivie, et elle doit sa supériorité à ces deux circonstances, que d’abord ses feuilles sont larges et qu’ensuite elles sont riches en cocaïne proprement dite. Au contraire, la variété qu’on exploite à Java (Erythroxylon spruceanum) a des feuilles étroites, et la cocaïne y est mélangée d’autres alcaloïdes, homologues au point de vue chimique, mais non pas équivalens pour l’usage médical.

On sait que, dans le Pérou et la Bolivie, l’usage populaire des feuilles de coca est immémorial. Les habitans de ces contrées mâchent ces feuilles avec de la chaux ou avec les cendres alcalines de certaines plantes (llipta). Ils préparent ainsi la cocaïne dans la cavité buccale elle-même, par déplacement au moyen d’une base ; les chimistes ne font pas autre chose dans leurs laboratoires quand ils veulent obtenir l’alcaloïde.

Mais ce que les Péruviens demandaient et demandent encore à la cocaïne, qu’ils préparent ainsi, sans s’en douter, ce n’est point d’insensibiliser leur bouche ou leur gorge, non plus que de les décongestionner. Cet effet local et peu désirable n’est pas celui qu’ils recherchent, bien que son existence ne leur ait pas échappé. Il y a d’autres effets généraux qui suivent l’absorption de la substance entraînée avec la salive dans l’estomac et qui sont plus précieux ; c’est une excitation bienfaisante, un sentiment de bien-être et de réconfort. L’opinion populaire attribue, en effet, à la coca