son maître, au pied même du campanile, « là où est une taverne et un recoin fort obscur. » Le valet frappe à la porte bien close du révérend ; au même moment, il sent glisser et s’évanouir entre ses bras l’ecclésiastique volaille. « Messire Filippo ! l’oie s’en va ! — Comment, elle s’en va ? répond le chanoine qui descend, ému, son escalier ; triple sot, elle n’est donc pas cuite ? » Il ouvre sa porte et se jette dans la rue. « Hélas ! messire, des gloutons me l’ont prise. » Le chanoine crie : « Au voleur ! Arrêtez-le ! » Tout le voisinage accourt. « Qu’y a-t-il ? qu’y a-t-il ? — Comment, diable, qu’y a-t-il ? C’est mon oie qu’on m’a volée toute chaude, sortant du four. » Les uns éclataient de rire, les autres criaient : « Patience, messire Filippo. — Comment, patience ? n’y a-t-il pas de quoi renier sa foi ? » — Les bonnes âmes disaient : « Venez souper chez nous. » « Mais il était si enflammé qu’il n’entendait plus ; » il ne pensait qu’aux alouettes qui remplissaient le ventre de l’oie et l’avaient aidée à s’envoler.
Moins cruelle fut la plaisanterie imaginée par une confrérie de jeunes gens qui, « soupant en une église de Florence, » reçurent la visite de l’ourse du Podestat, bête de mœurs affables, qui rôda doucement autour de la table. C’était encore en novembre. L’un des convives dit : « Emmenons l’ourse à Santa-Maria-in-Campo, où l’évêque de Fiesole a son tribunal, et dont la porte n’est jamais verrouillée. Nous attacherons l’animal par les pattes de devant aux cordes des deux cloches, puis nous filerons très vite et vous verrez alors un beau spectacle. » Aussitôt dit, aussitôt fait. L’ourse exaspérée sonne à grandes volées. Le curé et son clerc se réveillent en sursaut. Au dehors, on crie déjà : Au feu ! au feu ! La Badia répond par son tocsin, qui met sur pied tout l’Art de la laine. La foule des lanajuoli s’agite éperdument. « Où est le feu ? où est le feu ? » Cependant le curé a dépêché son clerc, muni d’un cierge bénit, au pied du campanile. Le jeune homme, les cheveux tout droits, alla, « avançant d’un pas et reculant de deux ; » à la vue du monstre, il fit le signe de la croix et s’enfuit en criant : « In manus ! Mon père, le diable est dans l’église et sonne les cloches. — Comment, le diable ? prends vite l’eau bénite. » Mais, au lieu de marcher vers l’infernal sonneur, nos deux braves se sauvent par la porte du cloître dans la rue. Le populaire accourait de toutes parts. « Où est le feu, prêtre ? » Le pauvre curé pouvait à peine répondre, car il avait « le tremblement de la mort. » Enfin, d’une voix flûtée et chevrotante : « Il n’y