coulait. On parvient alors à s’emparer des deux quadrupèdes. Rinuccio emmena « son Bayard, » toujours suivi de quelques centaines de Florentins. Les prieurs, voyant la foule s’écouler et le péril dissipé, montèrent à cheval et parurent sur la place en criant : « Où sont-ils ? par où sont-ils partis ? » Mais ce fut une affaire de découvrir la retraite du bourreau. On le tira de dessous le lit du notaire, couvert de brins de paille et de toiles d’araignées.
Partout où, dans Florence, se réunit le petit monde, nous sommes assurés d’y rencontrer Sacchetti. Il nous mène à la fête d’une noce. La nuit venue, quand on a bien soupe et bien dansé et que les époux se sont retirés, les jeunes gens, plus gais que de raison, se portent, avec leurs torches, vers une hôtellerie, pour y finir la soirée. Ils rencontrent une patrouille de police à cheval ; le capitaine les querelle au sujet d’une torche qui n’a pas le poids légal ; on lui répond par un mot trop vif, et la bande joyeuse est lestement poussée au palais du Podestat. Nous entrons au sermon nocturne, à Santa-Reparata, pendant le carême que prêche un jeune ermite. « Là viennent tous les pauvres ouvriers de la laine, quand les boutiques et les ateliers sont clos, les serviteurs, les servantes, les laquais. » Le prédicateur tonne hors de propos contre l’usure. Un fidèle lui crie, du fond de l’église ténébreuse : « Messire frère, nous sommes tous criblés de dettes et bien loin de faire l’usure ; prêchez-nous pour nous consoler. » Il a raison, murmure toute l’assistance. Et le moine achève son carême sur le texte réconfortant : Beati pauperes !
À Florence, comme en toute ville civilisée, c’est dans le léger brouillard des nuits d’automne que les mauvais garçons, les compagnacci, jouent quelque méchant tour aux habitans paisibles, voire aux hommes d’Église. Franco, si fort ami du bon ordre bourgeois, paraît néanmoins indulgent à cette aimable jeunesse, qui lui permet de nous montrer les œuvres ironiques d’un peuple spirituel. Tel, un soir de Toussaint, le rapt d’une oie fort grasse, cuite à point, et fortifiée intérieurement d’une nichée de grasses alouettes et de becfigues. C’était la coutume des servantes et des valets d’aller quérir aux fours de leurs quartiers le traditionnel rôti des bonnes familles. Quatre ou cinq polissons, voisins de la cathédrale, s’étaient promis de manger, sans bourse délier, leur oie d’Ognisanti. Ils attendirent que le valet de messire Filippo Cavalcanti, chanoine de Santa Reparata, vînt chercher le succulent souper et suivirent dans l’ombre ce garçon jusqu’au logis de