L’Empereur, désormais impuissant, renonçait à la pacifier, et le Pape l’avait abandonnée pour le séjour plus tranquille d’Avignon. Les Italiens connurent alors tous les excès de l’anarchie. Franco, tout enfant, vit un aventurier fonder, sur les bords de l’Arno, une tyrannie heureusement très courte. Gaultier fut chassé, et la peste noire s’abattit sur la péninsule et dépeupla Florence. Puis la démagogie se leva pour porter le dernier coup à la prospérité de la commune ; les ciompi, les va-nu-pieds, vainqueurs des bourgeois, promenèrent l’incendie et le massacre dans la ville des fleurs. Enfin le Saint-Siège, sollicité par les bons chrétiens de revenir à son évêché de Rome, se vit contraint de réduire d’abord par l’extermination les tyranneaux et les bandits qui s’étaient partagé les États de l’Église et les Romagnes. Après le cardinal Albornoz, qui prépara par la guerre le retour éphémère d’Urbain V, ce fut l’Aguto, le terrible tailleur de Londres, qui noya dans le sang l’Italie centrale pour frayer le chemin à Grégoire XI. Au lendemain de l’effroyable carnage de Cesena, un cri désespéré éclata sur la péninsule. Sacchetti, qui écrivait alors en vers, adressa au pape français une plainte véhémente. Il lui reproche d’engraisser par le meurtre et le pillage « les porcs de Bretagne. » Il dénonce au pontife les vierges outragées, les enfans égorgés sur les marches des autels, la plaine et le lac empourprés par le sang des victimes.
Le mélancolique Grégoire, cédant aux prières de sainte Catherine, revint enfin au tombeau des apôtres, et, pendant quelques jours, l’Italie respira. Mais Sacchetti n’était pas au terme de ses tristesses. En 1381, il avait été chargé par ses concitoyens de missions diplomatiques en plusieurs cités. Au retour, les Pisans saccagèrent son navire et blessèrent son fils Filippo. Il perdit ses bagages en cette aventure. La commune, pour l’indemniser, lui octroya 65 florins d’or. En 1383, la guerre, l’éternelle guerre contre Arezzo, Pise et Pistoia, puis la peste et la famine, reparurent. Sacchetti fut alors élu prieur et membre du Conseil des Huit. Mais il se trouvait ruiné par les malheurs de son temps. Il dut accepter, pour vivre, la fonction de podestat, errant dans les villes de Toscane et de Romagne. « Je suis bien à plaindre, écrit-il, moi qui, avec la tête chenue, suis obligé de vaguer ainsi et de rechercher un si piteux métier. » Sa santé déclinait. Ses amis illustres étaient morts. Il pleura tour à tour Pétrarque et Boccace, toujours en vers. Toutes ses pensées s’assombrissaient.