Au moment même où les circonstances devenaient favorables à l’ouverture des pourparlers entre Paris et Rome, les doctrines protectionnistes comptaient, dans le ministère français, les partisans les plus habiles et les plus convaincus. Je veux parler notamment de M. Méline, président du Conseil et ministre de l’Agriculture, et de M. Boucher, qui avait le portefeuille du Commerce. Leur collègue des Affaires étrangères, M. Hanotaux, ne tardait pas à être acquis à la cause d’un arrangement douanier, sa situation même lui permettant d’en mieux apprécier la portée politique et d’en réduire à une juste valeur les inconvéniens économiques.
Appuyé par le ministre du Commerce, le président du Conseil se montrait d’abord réfractaire. Cependant, vers la fin de 1896, en présence des dispositions manifestées par le cabinet de Rome dans le règlement de la question tunisienne, il reconnaissait qu’il n’avait plus de motif fondé pour prolonger ses résistances et maintenir les deux pays sous le régime exceptionnel et en quelque sorte prohibitif qui résultait de l’application réciproque de leur tarif général. — Avis en était transmis à Rome, dès cette époque, par l’ambassadeur d’Italie à Paris.
Restait à s’assurer si le gouvernement royal était préparé aux transactions qui apparaissaient comme les conditions nécessaires de l’accord. Il ne pouvait être question, en effet, de prendre pour base de cet accord la concession pure et simple de notre tarif minimum contre celle du tarif conventionnel italien. Il fallait compter avec nos viticulteurs et avec nos industriels lyonnais, qui ne se seraient pas trouvés suffisamment défendus contre la concurrence italienne par les clauses de notre tarif minimum, et dont l’opposition aurait été assez puissante pour empêcher le Parlement de donner la sanction législative à l’arrangement intervenu. — Les soies devaient notamment être maintenues sous l’application rigoureuse du tarif général. — Il convenait aussi de savoir si l’Italie consentirait des modifications à son tarif conventionnel, dont certaines clauses avaient été habilement calculées en vue de soumettre à un régime rigoureux toute une série d’articles, qui importaient peu ou point aux autres puissances, mais qui présentaient pour notre commerce un intérêt exclusif ou spécial.